Mokhtar Belmokhtar, qui a revendiqué dimanche, dans une vidéo, l’attaque du site gazier d’In Amenas, pensait sans doute réussir son opération. Sinon, il n’aurait pas envoyé ses meilleurs éléments se faire tuer dans cette gigantesque prise d’otages, à laquelle l’armée algérienne a mis fin lors de trois assauts – le premier jeudi, contre la base de vie, les deux autres, vendredi soir, puis samedi matin, contre le site gazier.

Selon un bilan provisoire, fourni par une source proche des services de sécurité algériens, 48 otages auraient perdu la vie lors de cette attaque. Parmi les 32 terroristes tués – 5 autres auraient été arrêtés vivants et 3 seraient encore en fuite – figurent les plus précieux lieutenants de Mokhtar Belmokhtar. À commencer par le chef de l’expédition, Abderrahman el-Nigiri, qui a pris d’assaut l’usine.

«Ce Maure du Niger faisait partie du commando qui mena l’attaque contre la caserne militaire de Lemgheity, au nord de la Mauritanie», relève Atmane Tazaghart, auteur d’Aqmi. Enquête sur les héritiers de Ben Laden au Maghreb et en ­Europe. C’était en 2005 et, ensuite, Abderrahman el-Nigiri ne quittera plus Mokhtar Belmokhtar, lequel revendique l’offensive d’alors au nom du GSPC – qui n’est pas encore Aqmi. Selon la sulfureuse agence mauritanienne Nouakchott Information, par laquelle les ­terroristes ont trouvé un canal de communication, Abderrahman el-Nigiri serait «connu pour être l’homme des missions difficiles». Il aurait participé «à des missions importantes en Mauritanie, au Mali et au Niger».

De cette époque, l’émir du Sahel Mokhtar Belmokhtar, connu sous son nom de guerre de Belaouar, compte de nombreux fidèles, comme le Mauritanien Abdallahi Ould Hmeida. Lui aussi a participé à l’attaque contre Lemgheity, mais il aurait surtout joué un rôle important dans l’assassinat de deux touristes français dans le sud de la Mauritanie en 2010. Dans les rangs d’al-Qaida depuis l’âge de 14 ans, celui que l’on surnomme le «Zarqaoui mauritanien» a rejoint son frère Ibrahim Ould Hmeida, emprisonné après l’attentat suicide perpétré contre l’ambassade de France à Nouakchott, le 8 août 2009. Libéré, il a aussitôt regagné la katiba de Mokhtar Belmokhtar.

«Deux Algériens dans le groupe»

Dans le groupe ayant conduit l’attaque contre le site gazier d’In Amenas apparaissent aussi les noms de deux Algériens: Abou al-Baraa al-Djazaïri, qui menait les preneurs d’otages de la base de vie. De lui, on sait pour l’instant peu de chose, car de nombreux salafistes algériens se sont attribué le même nom. L’autre s’appelle Lamine Bencheneb. «C’est vraiment la grande surprise de ce casting, ironise un cadre de la lutte antiterroriste, car nous l’avions identifié comme un terroriste, mais pas comme un islamiste.»

Sur son CV figure l’attaque de l’aéroport de Djanet (au sud d’In Amenas) en 2009, revendiqué par le Mouvement des enfants du Sud, un groupe de jeunes qui réclament plus de droits et de justice sociale pour les Algériens du Sud. «Depuis, le groupe a été démantelé par les Algériens, poursuit le spécialiste, mais des éléments de la nébuleuse se seraient rassemblés dans un nouveau Mouvement des fils du Sahara pour la justice islamique.» Lamine Bencheneb serait aussi lié indirectement au rapt du wali (préfet) d’Illizi, Mohammed Laïd Khelfi, enlevé en janvier 2012, et remis à Alger par les autorités libyennes quelques jours plus tard. Si les nationalités des assaillants ne sont pas encore claires – il y aurait notamment un Canadien -, l’origine de leurs armes ne fait aucun doute. «On a trouvé parmi leurs kalachnikovs un modèle typiquement ­libyen, l’AK104, confie une source proche des militaires. Mais aussi des roquettes F5, petits modèles apparus pendant la guerre en Libye. Les rebelles avaient modifié des lance-roquettes d’avion pour en fabriquer des modèles ­artisanaux.»

Leurs tenues aussi venaient de Libye. «Il s’agit de celles données par le Qatar aux rebelles du CNT (le Conseil national de transition, NDLR), reconnaissables à leur couleur. Les gilets pare-balles sont jaunes avec des taches marron aux dessins très spécifiques», poursuit notre source. Des copies de ceux que portaient les Américains pendant la guerre du Golfe. Et aussi des vestes et des pantalons d’un vert très reconnaissable. Enfin, «ils avaient du mortier à calibre 60, particulier à la France, dont se servaient aussi les rebelles en Libye.»

Source : Le figaro