Le Tchad en avait besoin. Après des mois de flottement, une diplomatie chancelante et un ministère transformé en terrain de clientélisme, l’arrivée d’Abdoulaye Sabre Fadoul aux Affaires étrangères sonne comme un coup de fouet. Ministre d’État, deuxième dans l’ordre protocolaire du gouvernement Allah Maye II, cet homme de dossiers, réputé rigoureux et méthodique, revient aux affaires après une traversée du désert.
Son départ précipité en 2022, lorsqu’il démissionna de son poste de directeur de cabinet de Mahamat Idriss Deby Itno, avait surpris. Une rupture brutale après une altercation avec Idriss Youssouf Boy, alors tout-puissant Sécrétaire particulier du PR. Ce désaccord, aux allures de bras de fer, avait mis en lumière un clivage profond entre la vieille garde administrative, soucieuse des procédures, et une nouvelle génération de gestionnaires adeptes du cas par cas.
Mais Abdoulaye Sabre Fadoul n’est pas homme à disparaître dans l’ombre. Pendant ces mois d’éloignement, il s’est mué en observateur attentif, publiant des analyses mordantes sur l’actualité politique du pays. Il s’est aussi recentré sur sa vie personnelle, retrouvant du temps pour cultiver son jardin, au propre comme au figuré. Un retrait qui lui aura sans doute permis de réfléchir aux erreurs du passé et de se préparer à ce retour sous les projecteurs.
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Natif de Biltine, dans le Wadi Fira, formé à Saint-Cyr et à l’École d’application de l’arme blindée et cavalerie de Saumur, il possède l’étoffe d’un homme d’État. Docteur en droit public de l’université Paris-V, il a fait ses armes comme enseignant avant d’embrasser une carrière politico-administrative soutenue, conseiller juridique à la présidence, ministre de la Justice, des Télécoms, secrétaire général du gouvernement, ministre des Finances, de la Santé… À chaque poste, il a laissé l’image d’un gestionnaire inflexible, allergique aux compromis douteux, parfois critiqué pour son autorité.
C’est précisément cette rigueur qui pourrait aujourd’hui sauver la diplomatie tchadienne. Depuis le départ de Mahamat Saleh Annadif, le ministère des Affaires étrangères a plongé dans une zone de turbulence, avec une perte d’influence sur la scène internationale et un climat interne gangrené par le népotisme. Son arrivée est donc perçue comme une nécessité pour redresser la barre.
Et les défis sont immenses. Le Tchad doit repositionner sa diplomatie face à des crises régionales qui s’intensifient, guerre au Soudan, tensions en République démocratique du Congo, avenir incertain des relations avec la France, sans oublier le retour potentiel de Donald Trump à la Maison-Blanche, qui pourrait rebattre les cartes des alliances internationales.
Lucide sur l’état du ministère qu’il hérite, Sabre Fadoul sait que sa réussite passera par une restructuration en profondeur et une réaffirmation du leadership tchadien en Afrique. Mais a-t-il tiré les leçons de sa précédente expérience ? Sa capacité à conjuguer fermeté et souplesse sera déterminante.
À N’Djamena, nombreux sont ceux qui espèrent que son retour marque la fin d’une ère d’amateurisme diplomatique. Son parcours parle pour lui. Reste à voir s’il saura, cette fois, durer.