Il était parti pour étudier. Mais les conditions de vie l’ont obligé à se transformer en migrant. Arrêté par la Police marocaine, il a pu regagner le Tchad grâce à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Abakar Mahamat Akhaye nous livre son témoignage.

Samedi 16 juillet. Le temps est menaçant à N’Djamena. Depuis la matinée, une pluie fine tombe par endroit sur la cité capitale. Cela n’a pas empêché aux deux millions d’habitants de N’Djamena de vaquer à leurs occupations.

Il est 10h40mn. Nous sommes au marché de Dembé, le plus grand du 6e arrondissement de N’Djamena. Entre coups de klaxon et brouhaha, Abakar Mahamat Akhaye gare son taxi et débarque ses passagers qu’il a embarqués au grand marché. C’est à ce moment que nous nous sommes présenté à lui. « C’est vous le journaliste? Montez à bord ! ». Le rendez-vous a été pris la veille.

Août 2021. Abakar Mahamat Akhaye, fraîchement admis au baccalauréat, quitte le Tchad pour l’Algérie. Il compte étudier, dans cet ancien département français, le Droit. Pour ce voyage, Abakar passe par le Niger, par voie terrestre. « Mon voyage s’est fait dans des conditions très difficiles. En plein désert, nous avions connu une panne de carburant. Et on manquait d’eau », résume-t-il. Au bout d’une semaine de route, Abakar arrive en Algérie dans la ville de Tamarachek.

Dans cette ville, il y a un Tchadien qui s’est occupé de lui. « Il m’a aidé à avoir une carte d’étudiant qui m’a permis de continuer le voyage sur Alger sans tracasserie », se souvient-il encore.

Le calvaire
A Alger, tout n’était pas rose comme le pensait le jeune Tchadien. « La vie est tellement chère. Et la Police fait chier. En sortant de la maison, tu n’es pas sûr de rentrer ; tellement les patrouilles sont régulières », rapporte Abakar. Celui qui voulait étudier le Droit n’a pas pu s’inscrire dans une université. Pour joindre les deux bouts, l’enfant de Mardjandaffack s’est trouvé du boulot dans un chantier. « Au premier mois, dès qu’on nous a payés, les gars sont allés informer la Police qu’il y a des migrants qui travaillent sur le chantier ». Heureusement, Abakar et ses compagnons ont échappé à la rafle. Malgré ses papiers, Abakar Mahamat Akhaye vit comme un clandestin, la peur au ventre. Il décide finalement de s’aventurer comme les autres jeunes désespérés des pays africains en Europe.

Il quitte l’Algérie pour regagner le Maroc. Là, il a tenté, avec les autres migrants, de traverser pour regagner l’Espagne. Malheureusement, leurs tentatives ont été vaines. Ils ont fini par être arrêtés par la Police marocaine. « Les policiers nous ont conduits en plein désert et nous ont abandonnés entre le Maroc et l’Algérie. » Dans leur errance, ils tombent sur une base de la Gendarmerie algérienne. Ils sont de nouveau arrêtés puis transférés à la frontière algéro-nigérienne.

Le salut
Quittant la frontière algérienne pour entrer au Niger, Abakar et ses compagnons tombent par hasard sur une base de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). De cette agence onusienne viendra leur salut. « Le personnel de cette base nous a accueillis à bras ouvert. Ceux qui sont malades ont été pris en charge, ceux qui manquaient de vêtements ont été habillés », se souvient Abakar qui se montre très reconnaissant. « Je ne peux pas oublier ce que l’OIM a fait pour moi. Si je suis en vie, c’est grâce à cette agence », renchérit-il.

De cette base, ils ont été transférés à Arlit puis à Agadez et enfin Niamey. De la capitale nigérienne, l’enfant de N’Djamena regagnera son pays par un vol affrété par l’OIM.
La réinsertion

Abakar Mahamat Akhaye retrouve N’Djamena après des mois. La ville, plongée dans la transition politique, n’a pas changé de visage. Même paysage, même avenue, etc. Le migrant est heureux de fouler à nouveau ce sol. Avant de réintégrer sa famille, il a été logé dans un hôtel pendant une semaine. « Après cela, l’OIM m’a remis 700 000F CFA comme fonds de réinsertion », indique-t-il. Grâce à ce fonds, Abakar s’est acheté une voiture de seconde main. Il a repris ses activités de taximan, métier qu’il exerce depuis 15 ans. « Je ne peux que dire merci à l’OIM », témoigne-t-il sa reconnaissance, infinie soit-elle.

Marié et père d’un enfant, Abakar Mahamat Akhaye dit se sentir nettement mieux dans son pays et regrette cette aventure. « Si quelqu’un venait à me consulter sur un quelconque projet de migration clandestine, je le déconseillerai net. C’est courir un très grand risque. »

L’Organisation internationale pour les Migrations est la principale organisation intergouvernementale qui promeut une migration humaine et ordonnée dans l’intérêt de tous, avec une présence dans plus de 100 pays et soutenant 174 États membres pour améliorer la gestion des migrations. Son mandat est de contribuer à faire en sorte que les migrations soient gérées de manière humaine et ordonnée, de promouvoir la coopération internationale en matière migratoire, de faciliter la recherche de solutions pratiques aux problèmes de migration, et enfin de fournir une aide humanitaire aux migrants dans le besoin, qu’il s’agisse de réfugiés, de personnes déplacées ou d’autres personnes déracinées. Au Tchad, l’OIM est présente depuis des décennies. Avec sa base de Faya au nord du Tchad, elle a aidé à sauver beaucoup de migrants.