Votre rubrique vous portraiture cette semaine Youssouf Ali Mbodou. Le fondateur de la startup Kouran Jabo se fixe pour objectif de faciliter l’accès des familles modestes à l’électricité à travers le solaire.

En fin de matinée du vendredi 14 janvier, Youssouf Ali nous reçoit dans ce qui sert à la fois de bureau et de magasin. D’un côté il y a ses collaborateurs, la tête dans les ordinateurs et de l’autre, des panneaux solaires et différents kits. C’est le siège de Kouran Jabo, à l’étage d’un immeuble situé en face du lycée de la Liberté à la rue de 30m de la capitale. Kouran Jabo est cette startup qu’il a créée il y a quatre (4) ans avec des amis d’enfance et qui s’est fixé pour objectif de permettre l’accès à l’énergie solaire aux foyers modestes. C’est ce qu’il appelle « entrepreneuriat social ».

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Youssouf Ali voit le jour en janvier 1989 à Mao dans le Kanem. L’aîné de sa mère (la troisième et dernière épouse de son père) indique que ses parents, bien que n’ayant pas été à l’école, ont beaucoup investi dans leur éducation pour qu’eux puissent avoir plus d’opportunités dans la vie.  Youssouf fait ainsi ses premiers pas à l’école à l’école française en Arabie Saoudite, un pays dans lequel son père s’est retiré étant donné que ses activités commerciales entre le Tchad et le Nigeria ne marchaient plus très bien.

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Après le Cours préparatoire deuxième année (CP2), Youssouf Ali rentre au pays. Il poursuit sa scolarité dans plusieurs établissements de la capitale. En classe de troisième, le garçon qui indique qu’il n’était pas question de continuer dans l’enseignement général était face à un choix difficile à faire : aller dans l’enseignement technique industriel parce qu’il avait un faible pour la physique ou à l’enseignement technique commercial « parce qu’il fallait aussi penser aux opportunités d’emploi ».

Cette hésitation lui a fait perdre un mois à la maison au début de l’année. Il a finalement choisi d’opter pour l’enseignement technique commercial suite à l’orientation scolaire mais aussi sous l’influence de sa mère.  Dès la première au lycée Thilam Thilam, en qualité de candidat libre, il fut reçu au baccalauréat série G3 en 2008.

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Le bac en poche, le jeune homme fluet, visait les universités américaines. Peut-être, explique-t-il, sous l’influence de l’anglais, une langue qu’il connait parce que dès le collège, il s’est inscrit au centre américain. Mais à cause de la cherté et surtout de la complexité des procédures qui lui ont fait blanchir une année, il a dû renoncer et atterrit au Benin. En 2012, il décroche une licence professionnelle en Banque et Finance d’entreprise à l’Ecole supérieure de commerce PIGER de Cotonou. Mais au contact du terrain lors de son stage dans une banque, Youssouf Ali estime qu’il n’est pas fait pour ce métier. Il indique avoir voulu arrêter les études pour faire autre chose mais au vu du refus catégorique des parents qui voulaient qu’il aille le plus loin possible, il a continué en Master mais cette fois-ci en Management de la qualité et de projet.

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Du Benin, Youssouf s’envole pour la France où il obtient un autre Master en management et commerce des affaires internationales à l’université de Lille. Il finit en 2015 et fait un stage en Belgique dans une startup où il découvre le « social business » ou « entrepreneuriat social ». Il a voulu continuer en thèse de doctorat en économie mais avec ce qu’il a appris dans cette startup et la question de l’entrepreneuriat qui était en vogue, il a commencé à s’y intéresser.

Youssouf Ali travaillait dans des startups entre la France et la Belgique et faisait également des consultances pour des entreprises. Avec un associé congolais, ils ont essayé de monter une startup mais ça n’a pas marché, faute de financement. Il met alors le cap sur les Emirats arabes unis et a commencé à travailler dans une nouvelle startup.

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Au bout de deux ans, ce quadrilingue (français, arabe, anglais, espagnol) décide de rentrer au Tchad. Pour lui, tout ce parcours à l’extérieur, c’était pour apprendre, s’imprégner de ce qui se fait de mieux ailleurs mais l’objectif, « c’est de revenir au Tchad pour pouvoir faire quelque chose ».

Ainsi, avant son retour, il entre en contact avec des amis d’enfance et leur parle de son projet. Ceux-ci adhèrent et se mettent à faire l’étude du marché. Youssouf arrive au Tchad et pendant un an, ils ont mené les démarches pour avoir des investisseurs et faire reconnaitre l’entreprise. Chose faite en fin 2017 et début 2018, Kouran Jabo (au lieu de Solar international au début) lance ses activités. Kouran Jabo, parce que, explique-t-il, « ça parle à tout le monde, c’est facile à retenir » mais aussi c’est un nom qui rappelle l’enfance car c’est « le cri de joie qui annonce le retour de l’électricité ».

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Le promoteur de Kouran Jabo se rappelle que quand ils ont commencé, le taux d’accès à l’électricité était de 6,4%. L’objectif de sa startup est donc de faire de l’entrepreneuriat social qui consiste à ne pas faire de perte mais à vendre moins cher au profit des couches vulnérables. Ainsi, ils ont commencé avec un kit composé d’un panneau solaire de 4,5 watt, trois lampes, une batterie de 3.000 milliampères et une bande de recharge de téléphone pour un coût de 60.000 échelonné sur deux ans.

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En termes d’impact, il se réjouit que sa petite entreprise ait réussi à électrifier au solaire plus de 1.000 foyers, soit 5.000 personnes touchées. En plus de l’avantage économique, Youssouf Ali cite également le fait que les enfants révisent plus longtemps leurs leçons, que les risques de pollution et d’incendie que peuvent comporter l’utilisation des bougies par exemples sont éliminés. « Mais également, le plus important, on a permis l’inclusion financière de ces 1.000 foyers et 5.000 personnes qui n’avaient pas les moyens de s’offrir ces kits à cash ».

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Suite aux demandes des clients de la classe moyenne, Youssouf Ali informe qu’ils ont introduit d’autres kits comprenant en plus un écran téléviseur (26 pouces), un ventilateur, 5 à 6 lampes qui valent 475.000F dont le payement est échelonné sur un an et demi.

En termes de difficultés, le trentenaire cite le pays classé comme un marché à risque qui n’attire pas les investisseurs (ils ont eu des difficultés à lever les fonds), il y a le manque de formalisation du statut de startup, un concept nouveau, qui ne facilite pas la tâche. Par exemple, indique le promoteur de Kouran Jabo, pour favoriser les entreprises sociales, des annonces sont faites par exemple au sujet de l’exonération des droits des douanes sur tout ce qui est solaire mais dans la réalité, ils continuent à payer.

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