Ce dimanche 28 novembre, votre rubrique « A la découverte de… » va à la rencontre de Hamid Khayar Oumar Defallah, fondateur de l’incubateur Chad Innovation. Il œuvre pour l’entrepreneuriat des jeunes à travers les nouvelles technologies.

Chad Innovation est l’un des incubateurs les plus connus au Tchad. C’est un espace d’incubation des idées de jeunes porteurs d’idées en vue de les transformer en startups. Mis en place depuis trois ans, il est l’œuvre de Hamid Khayar Oumar Defallah.

Agé de 37 ans, Hamid est un féru du numérique.  Une passion qui l’habitait tout petit car, explique-t-il, il voulait devenir pilote. Il avait donc commencé à faire des recherches au sujet du pilotage pour tenter de comprendre comment le pilote communiquait avec la tour de contrôle.

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Après son bac série D, il s’est envolé pour le Sénégal pour tenter de réaliser son rêve en visant l’Ecole multinationale des télécommunications mais il était arrivé en retard. Conseillé par des amis, le fils de l’ancien ministre Khayar Oumar Defallah s’oriente finalement à l’Institut africain de management. Il y obtient en 2007 une licence en Gestion informatique. L’année suivante, il en sort nanti d’un diplôme d’ingénieur en informatique. « J’ai compris que c’est quelque chose qui peut servir à réduire le fossé numérique entre le Nord et le Sud et surtout le Tchad et d’autres pays qui étaient très en avance. Ça peut aussi aider à vendre l’image du Tchad de manière positive », explique Hamid.

Après le Sénégal, il mettra le cap sur l’Inde où il décrochera en 2011 un master en Applications informatiques à l’université de Bangalore. Ce père de deux enfants qui dit être photographe à ses heures perdues rappelle que de son retour d’Inde, il était rentré avec un appareil photo pour montrer d’autres images du Tchad, celle de sa beauté, autrement que celles de guerre qui circulent sur Internet. A cet effet, il a fait le tour de quelques festivals du Tchad : Kodomma, Gourna, festival de Mani, festival des peuples nomades de Ouadi Djedid.

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Après son master, ce trilingue (anglais, français et arabe) a décidé de partager ses connaissances avec ses cadets de l’université de N’Djamena (3ème année de Communication) en tant qu’enseignant vacataire et volontaire. C’est pendant ce temps que lui viendra l’idée de la création de Chad Innovation. « Tous ces étudiants, à la fin, on n’arrive pas à les insérer. Comment faire pour les absorber ? C’est ainsi qu’est née l’idée de créer un espace d’innovation où les idées vont se mêler pour que jaillissent des idées innovatrices », souligne Hamid Khayar Oumar Defallah. Ayant soumis le draft de son projet à un programme, le jeune tchadien obtient une bourse pour les Etats-Unis où il a fait un stage dans l’un des plus importants incubateurs de ce pays afin de parfaire son projet. C’est d’ailleurs dans ce pays qu’il a obtenu en 2016 un certificat en Affaires et Entrepreneuriat à l’Université du Texas.

Les œuvres de Chad Innovation

De retour au pays, celui qui est Coordonnateur général du passage de l’audiovisuel analogique au numérique depuis décembre 2020 lance donc Chad Innovation en 2018 pour permettre aux jeunes de discuter autour du numérique mais aussi de l’entrepreneuriat. Cet incubateur organise des formations, des débats sur le numérique et l’entrepreneuriat, un sommet dénommé Chad Innovation Summit en 2018. « On a vu un certain engouement de la jeunesse tchadienne pour les nouvelles technologies. Ça m’a galvanisé », se félicite-t-il. En termes de réalisations, Hamid indique qu’ils ont accompagné quelques idées d’innovation qui sont en cours de prototypage, une entreprise dans le domaine du digital qui vole maintenant de ses propres ailes (Digital+) et beaucoup de projets de startups en cours. « On est satisfait parce qu’on a commencé en 2018 et maintenant on s’est fait une place au soleil mais on n’a pas baissé les bras. Je dis souvent que tant qu’on n’a pas développé de modèles autonomes, tant qu’on n’a pas conquis l’espace africain, nous ne sommes pas toujours arrivés à la bonne destination », indique-t-il.

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Pour arriver à cet objectif, il assure qu’il faut travailler sur le mental. Car, souligne-t-il, les jeunes tchadiens sont dans la mentalité du parent pauvre, c’est-à-dire qu’ils ne cherchent pas à créer mais après les études, ils croisent les bras pour attendre du travail. C’est ainsi que le fondateur de Chad Innovation affirme que pendant les premières années de l’existence de son espace, l’objectif est de travailler pour changer cette mentalité. C’est ainsi que des campagnes ont été menées dans les écoles et universités pour inciter les jeunes à aller vers des carrières numériques, à utiliser le numérique comme un levier pour se vendre ou vendre leurs entreprises. Hamid estime que depuis 2018, ces campagnes ont touché autour de 30.000 jeunes.

La phase suivante, c’est l’école de code (dont l’annonce a été faite récemment par Chad Innovation). Cette école, selon le président directeur général de Chad Innovation, vise à réorienter les professionnels vers des filières porteuses et recycler les débutants en vue de les insérer, suite à un test, dans les entreprises des partenaires de Chad Innovation à l’extérieur.  

Difficultés et perspectives

Hamid Khayar Oumar Defallah indique qu’ils éprouvent assez de difficultés dont les deux principales sont celles liées à l’Internet (coût élevé et faible débit) et l’énergie. Il évoque aussi la taxe élevée qui dissuade les investisseurs, le manque d’appui du gouvernement qui ne soutient pas assez l’entrepreneuriat ou encore la mentalité des jeunes qui veulent devenir entrepreneurs mais qui ne font pas l’effort nécessaire.

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Le fondateur de Chad Innovation invite le gouvernement à mieux soutenir l’entrepreneuriat (au lieu de soutenir 10.000 entrepreneurs, appuyer conséquemment 10 qui peuvent être des modèles et à travers la réussite de leurs entreprises peuvent embaucher d’autres jeunes) et à créer un cadre normatif. « Pour ne pas être mangé par les requins du monde », il invite le gouvernement à créer un cadre normatif et les espaces d’innovation à se mettre ensemble pour, à avoir de bonnes stratégies pour « conquérir le monde, le marché ».

Bon à savoir, Hamid a été lauréat notamment de la Bourse Nasser de leadership transformationnel (parmi les 100 jeunes leaders africains en 2019 au Caire en Egypte), lauréat du Forum sur les droits numériques et l’inclusion en 2019 à Lagos au Nigeria, lauréat de la Bourse Mandela Washington 2016 (une initiative du président Barack Obama pour les jeunes leaders africains), lauréat du Forum de jeunes leaders sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication en 2017 à Busan en Corée du Sud.