Ce dimanche 23 janvier 2022, c’est le fondateur du centre Dakouna Espoir, Aleva Ndavogo Jude qui est à l’honneur dans votre rubrique « A la découverte de… ». Un centre qui recueille les “enfants de la rue”.

Il arrive qu’au détour d’une rue ou sur un terrain vague, vous tombiez sur un jeune homme, cheveux tressés en rasta, entouré d’enfants en train de danser. Il s’agit d’Aleva Ndavogo Jude, un jeune danseur tchadien qui essaie depuis quelques années de redonner la joie de vivre aux “enfants de la rue”.

Aleva qui voit le jour en octobre 1992 à N’Djamena affirme que la danse est une passion pour lui et qu’il a commencé à danser dès bas âge. Une passion qui a fini par prendre le dessus sur les études. En classe de seconde, ce cadet d’une fratrie de 9 enfants dont 7 vivants, abandonne les cahiers et stylos à bille pour se consacrer à la danse. Un choix qui n’est pas du tout passé du côté des parents qui le voyaient étudier plus longtemps.

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Aleva se retrouve donc dans la rue. Il continua la danse avec laquelle il s’est fait un petit nom à travers les compétitions inter établissements. En 2009, il crée le groupe Tchado-ivoirien, c’est-à-dire, explique-t-il, la danse des Tchadiens inspirés par la danse des Ivoiriens. Un groupe qui “cartonnait, participait à des compétitions, gagnait des prix”, mais question de créer un style propre, il fonde en 2012 le groupe Tchado Star et crée la danse Tapa qui, d’après lui, est un mélange de danses aussi bien tchadiennes du nord et du sud que de danses étrangères.

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La même année, le groupe se fait repérer au festival Souar Souar par un Français. Après deux ans de préparation, ils ont fait une tournée en 2014 en France (Lyon, Bordeaux et Paris). En 2015, Aleva Ndavogo Jude est sollicité pour une formation professionnelle au Sénégal où il s’est perfectionné. C’est de retour du Sénégal, que le danseur, chorégraphe et interprète a décidé de partager le savoir acquis avec les “enfants de la rue”, une situation qu’il a vécue lui-même.

Au début en 2016, il organisait des séances de danse devant la porte avec quelques enfants. Ensuite, il les a suivis sur leurs sites. “Ces enfants sont abandonnés à leur triste sort, ils sont négligés par la société. Donc il faudra que ces enfants soient valorisés, il faut montrer à la société qu’ils ont aussi du talent qu’il faut promouvoir“, situe-t-il. Pour Aleva, la danse constitue l’appât qui permet de “créer ce lien de confiance pour amener l’enfant à se sentir aimé et le motiver à quitter la rue“. C’est ainsi, que justifie-t-il, il va à la rencontre de ces enfants dans la rue.

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Ce père de trois enfants reconnait que ce n’était pas facile au début car les gens le considéraient comme un artiste qui exploite juste les enfants. Mais à force d’abnégation, il constate que beaucoup d’enfants étaient intéressés par ce qu’il faisait ; ils venaient à lui, chacun avec ses préoccupations. En décembre 2016, il crée donc le centre Dakouna Espoir (avec pour slogan : “Un enfant, une famille”) pour mieux s’occuper des enfants qu’il récupère.

En termes de bilan, Aleva Ndavogo Jude indique que 347 enfants ont été réinsérés dans leurs familles depuis 2016 dont 5 volent désormais de leurs propres ailes. Aujourd’hui, 55 enfants encadrés par 15 bénévoles, sont logés au centre, 40 sont scolarisés et les 15 autres font des formations professionnelles en menuiserie, couture, mécanique, soudure.

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Au rayon des difficultés, Aleva estime qu’elles sont “énormes”. Il cite notamment la difficulté de travailler avec des “enfants de la rue” venus de différents horizons et avec de mentalités différentes, le rejet par certains parents des enfants réinsérés, les difficultés de prise en charge alimentaire et sanitaire (il arrive qu’ils mettent en gage leurs appareils pour avoir des comprimés lorsque les enfants tombent malades). Une autre difficulté et non des moindres, c’est le local. En octobre dernier, ils ont passé six jours dans la rue avant de réintégrer le local avec les aides qui leur ont permis de payer les arriérés de loyer.

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Le fondateur de Dakouna Espoir relève que c’est grâce aux personnes de bonne volonté, aux revenus générés par leurs activités culturelles mais également quelques aides ponctuelles du ministère de l’Action sociale qu’ils tiennent. Toutefois, il espère qu’avec la reconnaissance officielle en décembre 2021 de Dakouna Espoir comme une association pour la protection de l’enfance, l’avenir sera meilleur.