Elle fait partie du groupe des femmes qui ont cousu les premiers drapeaux du Tchad. 63 ans après l’indépendance, elle n’a reçu aucune distinction. Chose qu’elle trouve anormale.

Naiyia Amina Goudja, couturière, née vers les années 1938, fait partie du groupe des femmes qui ont confectionné les premiers drapeaux du Tchad qui ont servi à célébrer la cérémonie de l’indépendance le 11 août 1960. 63 ans après, elle se souvient de cette époque comme si c’était hier. « Notre maison est tout près du centre social numéro 1. C’est là où on part apprendre la couture. On a fini avec la couture et les Blancs nous ont embauchés mais sans un contrat, c’était en 1958 avant l’indépendance. Ils ont amené les tissus et nous ont montrés comment couper et coudre le drapeau. Il y avait le drapeau du Tchad, de la Centrafrique, du Cameroun, bref tous les pays qui ont pris part à la cérémonie. On a confectionné sans même savoir à quoi c’était destiné. C’est le 11 août, le jour de l’indépendance qu’ils ont sorti les drapeaux dans les rues », raconte-elle.

Ses collaboratrices et amies avec qui elle a vécu cette époque cruciale de l’histoire ne sont plus de ce monde. Naiyia Amina Goudja est la seule qui détient le récit de la confection du tricolore. « On était nombreuses mais elles sont toutes mortes. Je suis la seule en vie actuellement. Celles avec qui on a grandi ensemble, travailler ensemble ne sont plus de ce monde», assure-t-elle.

Selon Naiyia Amina Goudja, la confection des drapeaux a pris plusieurs mois. Les travaux se faisaient du matin au soir. « Pour confectionner tous les drapeaux, ça nous a pris plusieurs mois. Quand le président veut déjà venir on a fait des heures supplémentaires. On vient le matin et on rentre le soir pendant une semaine. Ils nous ont payés 3.000 F. Au début, on nous a rien donné. Les 3.000 F c’est juste pour les heures supplémentaires».

Le parcours du Tchad pour accéder à son indépendance ressemble à celui de plusieurs autres colonies françaises d’Afrique. Le 11 août 1960, sur le perron de l’hôtel de la ville de Fort-Lamy, le Premier ministre Francois Tombalbaye prononce le discours d’indépendance du Tchad aux côtés d’André Malraux, représentant du Général de Gaulle et de la France. Naiyia Amina Goudja se souvient de cette nuit. « On a bien fêté l’indépendance, le 11 août on était à la place avant on appelait Camp Koufran. C’était la nuit du 11 Aout. C’est pendant le discours qu’ils ont baptisé le lieu place de l’indépendance, actuelle Place de la Nation. On a bien fêté, à l’époque les gens fêtaient le 11 Aout mais pas beaucoup comme c’est la saison pluvieuse. C’est après le 11 janvier qu’ils ont fait venir les étrangers ».

Cependant, après 63 ans d’indépendance, Naiyia Amina Goudja n’a reçu aucune distinction. Chose qui la frustre et elle trouve inadmissible. « Pour le drapeau, j’en parle pas beaucoup, combien de président sont passés devant moi. On s’est vu avec le président Tombalbaye à Mongo lors d’une réunion, je pouvais lui dire que c’est moi qui ai cousu le drapeau du Tchad mais je n’ai rien dit. J’ai commencé à parler le jour où le président Deby donnait les médailles aux gens. Je me suis dit comment ça ? Nous on a cousu le drapeau du Tchad mais on nous connait pas on donne les médailles aux gens comme ça», s’agace-t-elle.

Même son de cloche pour la présidente de l’association des Lamy-Fortains et N’Djamenois, Asma Gassim. « Ça fait trois ans qu’elle est en train de nous expliquer. Dans les radios et les télés, elle a parlé. Aujourd’hui je lance un appel, il faut qu’on la décore le 11 août avant qu’il ne soit tard ».