Au Tchad, la lutte contre les fistules obstétricales a eu des résultats probants ces dernières années. Grâce aux efforts conjugués du gouvernement et de ses partenaires, notamment le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), les femmes victimes de la fistule, meurtries par la maternité et rejetées par leurs proches, reprennent espoir et recommencent à vivre.

Mardi, le monde entier a célébré la 5ème édition de la Journée internationale pour mettre fin à la fistule obstétricale, avec un thème prometteur cette année : “L’espoir, la guérison et la dignité pour tous.” “C’est un appel à la réalisation des droits fondamentaux de toutes les femmes et de toutes les filles partout dans le monde, en mettant l’accent sur ces femmes, la plupart délaissées, exclues et évitées par la société”, a déclaré le Dr Babatunde Osotimehin, directeur exécutif de l’UNFPA.

Si la fistule a été pratiquement éliminée dans les pays les plus riches du monde, elle subsiste dans les pays en voie de développement, dont le Tchad, favorisée par la pauvreté, l’inégalité entre les sexes, le mariage précoce et l’âge maternel, le manque d’éducation, etc.

L’UNFPA a soutenu plus de 85.000 interventions de réparation de la fistule depuis 2003 et plus de 15.000 pendant la seule année 2016. Cependant, selon l’organisation, plus de deux millions de femmes vivent toujours avec la maladie et 50.000 à 100.000 développent la fistule chaque année.

Au Tchad, où le taux d’alphabétisation est des plus bas sur le continent, la fistule constitue réellement une tragédie à de nombreux égards. En plus des lésions physiques, les femmes victimes de la fistule en viennent souvent à connaître de graves problèmes sociaux, notamment le divorce. Elles sont rejetées par leurs maris, par leurs familles ou par toute la société. Elles sont tenues à l’écart de toutes les activités, même religieuses.

Selon la coordinatrice du Programme national de lutte contre la fistule obstétricale, le Dr Aché Haroun, les femmes qui vivent dans les zones rurales sont les plus exposées, à plus de 90%. Jeunes, pauvres et illettrées, elles ont un accès limité aux soins médicaux. Beaucoup d’entre elles n’ont pas recours aux services de traitement, soit parce qu’elles ne savent pas que la fistule peut être guérie, soit parce qu’elles ne peuvent pas honorer le coût de l’opération.

Cependant, la prise en charge des femmes victimes des fistules obstétricales a connu un progrès remarquable ces dernières années, grâce à l’implication de la Première dame Hinda Déby Itno, du gouvernement et des partenaires, notamment l’UNFPA.

La création d’un Centre national de la santé de la reproduction et du traitement des fistules obstétricales à N’Djaména, la capitale, et de quatre autres centres secondaires à l’intérieur du pays, a permis de résorber un mal toujours favorisé par les pesanteurs socioculturelles et le manque d’information et d’éducation. “Au début, les femmes ne connaissaient pas l’existence du traitement des fistules, mais à travers des campagnes de sensibilisation, beaucoup de malades affluent au centre”, déclare le Dr Aché Haroun.

Depuis 2013, le centre soigne en moyenne 300 femmes atteintes de fistules par an. Parmi ces patientes, il y a Julienne Yokoguem, celle qu’on appelle affectueusement “la doyenne”. La soixantaine, elle traînait une fistule depuis 35 ans. Cette mère de huit enfants (dont deux seulement sont en vie, deux autres sont décédés et quatre mort-nés), a connu deux césariennes.

“Je n’ai jamais su que cette maladie pouvait se guérir. Je me rendais à chaque fois dans les petits centres sans espoir”, confie-t-elle. En octobre 2016, quand ses enfants apprennent sur les ondes de la radio qu’une équipe de spécialistes est à Moundou (la capitale économique, au sud du pays) pour opérer des fistules pendant deux semaines, elle n’hésite pas un seul instant à quitter son village pour se rendre dans la grande ville.

Elle est opérée avec succès et est aujourd’hui guérie de cette maladie humiliante et dégradante. “Je ne peux cacher ma satisfaction, comme en témoigne ce sourire. Je rends gloire à Dieu et je vais prier pour mes enfants médecins et cet organisme, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) qui m’ont soulagé de cette maladie”, conclut-elle.

La prise en charge des patientes des fistules au Tchad est axée sur trois volets : la prévention (par la sensibilisation des ménages et du personnel médical), le traitement chirurgical et la réinsertion sociale. En février 2015, le gouvernement tchadien a lancé un projet en faveur des femmes victimes des fistules obstétricales, d’un coût total de 1,4 milliard de francs CFA (environ 2,8 millions de dollars américains). Ce projet comporte deux axes : la prise en charge médicale des fistules, d’une part, et la réinsertion socio-économique des ex-victimes de fistules, notamment à travers des activités génératrices de revenus.

Le premier axe (800 millions de francs CFA) est mis en œuvre par le ministère de la Santé publique et ses partenaires bilatéraux. Le ministère des Finances et du Budget exécute le volet réinsertion auquel sont alloués 341 millions de francs CFA, avec un établissement de microfinance locale, sur une période de quatre ans. Les femmes guéries apprennent des métiers de broderie, couture ou reçoivent de l’argent liquide pour rentrer dans leurs localités d’origine et acheter de quoi cultiver la terre.