Au Tchad, le taux des mutilations génitales féminines (MGF) a sensiblement diminué, mais les pratiques demeurent encore très répandues dans plusieurs communautés.

Tous les acteurs s’accordent à mettre l’accent sur la communication sociale pour éradiquer cette pratique qui constitue une violation grave et flagrante des droits des femmes et des filles.

La quatorzième journée internationale tolérance zéro aux mutilations génitales féminines a été célébrée lundi sous le thème “Établir un lien solide entre l’Afrique et le reste du monde afin d’accélérer l’élimination des mutilations génitales féminines d’ici 2030”.

A cette occasion, la secrétaire générale de la Francophonie, Michaëlle Jean, a encouragé la communauté internationale à intensifier ses efforts pour mettre fin à ces pratiques préjudiciables qui touchent aujourd’hui encore plus de 200 millions de filles et de femmes dans le monde, notamment 92 millions de victimes en Afrique.

Considérant que près de 30 millions de filles sont exposées au risque d’être excisées d’ici la prochaine décennie, Mme Jean a exprimé sa profonde inquiétude sur la persistance et l’ampleur de ces pratiques qui constituent une violation majeure des droits fondamentaux des jeunes filles et des femmes et appelé au plein respect de leur intégrité physique, sexuelle et psychologique.

“Au Tchad, la mutilation génitale féminine a connu une sensible régression grâce aux activités de mobilisation sociale entreprises à l’échelle communautaire et nationale”, a déclaré Moudalbaye Appoline, secrétaire générale adjointe du ministère tchadien de la Femme.

De 2010 à 2014, 44,2% des femmes âgées de 15 à 39 ans ont subi une forme de mutilation, selon le rapport d’une enquête nationale. Cette année, ce taux est de 38%. Mais “chaque année, des milliers de femmes et de filles subissent cette pratique pour des raisons culturelles ou non thérapeutiques”, a déploré Mme Appoline.

Certaines communautés au Tchad considèrent les mutilations génitales comme un rite de passage ou comme une cérémonie d’initiation marquant la transition ou le passage de l’enfance à l’âge adulte. Elles sont pratiquées par la majorité des populations du sud, du centre et de l’est du pays.

Les facteurs qui encouragent cette pratique sont l’ignorance, les fausses interprétations des préceptes religieux et le statut inférieur des femmes.

“De plus, l’extraordinaire capacité des femmes à endurer la souffrance et la douleur en silence a permis à la pratique de la MGF de se perpétuer sans faiblir”, a déploré le Comité national de lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes sur la santé des femmes et des enfants.

Le plaidoyer contre les MGF fait partie intégrante de la stratégie de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) en faveur de la lutte contre toutes les formes de violence faites aux femmes et aux filles. “Je salue les efforts menés dans l’espace francophone tant au niveau législatif qu’au niveau des actions portées par des femmes et des hommes ensemble pour interdire, sensibiliser et agir sur les mentalités afin d’aboutir à l’éradication de ces violences innommables que rien ne justifie et qui, au moment même où nous parlons, ont toujours cours”, a ajouté Mme Jean.

Désormais intégrée au Programme de développement durable à l’horizon 2030, feuille de route mondiale, la lutte contre les mutilations génitales féminines constitue un combat auquel toutes les parties prenantes doivent renforcer leur contribution. Elle nécessite un engagement ferme et résolu, une vigilance accrue des Etats et des gouvernements, en étroite collaboration avec la société civile, pour mettre fin à ce fléau.

Le Comité interafricain sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants a indiqué que les progrès réalisés ces 30 dernières années au Tchad, ne peuvent venir que d’une synergie d’action dans tous les domaines. Un appel pressant a été lancé à tous pour une grande mobilisation de tous ceux qui militent pour les droits et le bien-être des femmes et des enfants surtout qu’il s’agisse d’un problème de changement de comportement.

Pour favoriser ce changement, la priorité est mise sur la communication sociale, facteur d’échange des connaissances entre les acteurs de lutte et les dépositaires de cette pratique, mais aussi sur un plaidoyer pour la signature du décret d’application de la loi n°006 portant sur la promotion de la santé de reproduction.

Le gouvernement tchadien a en effet adopté et ratifié, ces dernières années, beaucoup de textes nationaux et internationaux pour protéger les femmes et les filles, le dernier en date étant l’ordonnance n°006 du 14 mars 2015 interdisant le mariage des enfants. Mais les effets de cet arsenal juridique ne sont pas très palpables. L’exemple le plus éloquent est la loi n°006 portant sur la promotion de la santé de reproduction, promulguée en 2002, mais dont le décret d’application tarde à venir, ce qui devrait résoudre les questions de mariages précoces, de mutilations génitales et bien d’autres dans ce vaste pays d’Afrique centrale.