Le gouvernement tchadien a décidé de réorganiser le secteur de la distribution des hydrocarbures en le confiant à une poignée d’entreprises. Ce qui n’est pas du goût d’une centaine d’autres qui crient à l’injustice et menacent une paralysie.

Fin mai, le ministre tchadien du Pétrole et de l’énergie, Me Béchir Madet, a pris un arrêté désignant, à titre provisoire, douze marketers chargés de distribuer les hydrocarbures produits à la raffinerie locale. Vingt-un autres marketers pour la distribution du polypropylène et neuf autres encore pour le gaz butane.

Parmi ces marketers, il y a des géants étrangers tels que le français Total, le libyen Oil Libya ou le camerounais Tradex, ainsi que quelques entreprises locales. Selon l’arrêté ministériel, les sociétés retenues disposent d’un délai de deux mois, à partir de sa publication, pour se conformer à la législation en vigueur.

Au sein du Conseil national des pétroliers (CNP) qui regroupe une centaine d’entreprises tchadiennes, c’est l’incompréhension et la colère. L’on estime que cette décision du ministère de tutelle qui est tombée comme un coup de tonnerre, n’a pas été justifiée et les marketers désignés n’ont été sélectionnés sur aucune base juridique.

“Au niveau du ministère du Pétrole et de l’Énergie, personne n’arrive à nous dire clairement, les critères ayant conduit à la sélection de douze marketers. Pire encore l’arrêté, accorde à ces derniers deux mois pour régulariser leurs situations. Ces marketers, retenus par le ministère du Pétrole et de l’énergie, sont pour la plupart soit des sociétés étrangères ou des sociétés qui n’ont même pas une seule station-service, ni à N’Djaména, ni dans les autres localités du pays. Et pourtant, les autres marketers suspendus, ont un agrément du ministère et un contrat en cours de validité avec la raffinerie de Djermaya jusqu’en décembre”, déclare Mahamat Saleh Issa, président du CNP.

“A ce jour, une seule société a obtenu le titre de marketer agréé, les autres opèrent dans un flou juridique”, répond le ministre du Pétrole. Depuis le début de l’année en cours, le gouvernement a entrepris des démarches pour redresser le secteur pétrolier, en commençant par le contrôle de qualité des produits pétroliers ayant débouché sur la fermeture des stations-service et la saisie des produits importés frauduleusement. “La vérification de la situation physique, juridique, administrative et environnementale des stations-services étant achevée, nous allons rendre bientôt public le rapport pouvant déboucher sur la démolition des stations-services ne respectant pas les normes requises”, déclare M. Béchir Madet.

Fin juin 2011, la raffinerie de Djarmaya, située à une soixantaine de kilomètres au nord de N’Djaména, la capitale du Tchad, a été mise en exploitation, fruit la coopération gagnant-gagnant entre la Chine (60%) et le Tchad (40%). De nombreuses sociétés ou individus se sont alors lancés dans la distribution de ses produits. Tant et si bien qu’il y a aujourd’hui 149 marketers en carburant, 55 en polypropylène et 9 en gaz butane, selon le ministère.

Cette pléthore de marketers s’explique par le fait que les textes régissant le secteur pétrole aval au Tchad ne sont pas correctement appliqués. “Depuis le 1er août 2015, tous ceux qui brandissent le titre de marketers agréés opéraient dans l’illégalité la plus totale. Car, en réalité, ils ne disposaient que des autorités d’achats et non des agréments”, martèle le ministre.

“Si l’arrêté est appliqué, il y aura certainement des mouvements de mécontentement qui conduira à la fermeture de certaines stations-service, et le résultat sera une pénurie de carburants dans la capitale et dans les autres localités du pays”, prévient le président du CNP.

Se disant délaissées par le gouvernement au profit des sociétés étrangères, les entreprises du CNP ont demandé au chef de l’État d’intervenir comme dans le passé pour décanter la situation et d’éviter le pire à la population.