Il est indéniable que notre police nationale est très malade (voir agonisante) et gangrenée par les maux qui portent sérieusement ombrage à notre société. Quand il s’agit de sécurité de tout un pays, de tout un peuple, de toute une nation, on doit balayer de côté les considérations ethniques, tribales, confessionnelles, clientélistes et les copinages et sévir contre la corruption pour promouvoir l’excellence et la performance. Que nenni, des professionnels de la police, par dizaine ont été mis sur la bande de touche, pour laisser la place aux plus méritants, lesquels ne possèdent aucun bagage dans la déontologie et techniques policières.

On doit absolument faire table rase sur les comportements actuels pour faire triompher et imposer l’image d’une police qui donne confiance à son peuple, une police qui sait faire son travail dans les normes, mettant de côté son comportement agressif, sa propension à faire des raquettes des citoyens son seul mode de fonctionnement. C’est en faisant de la police nationale, le creuset de la probité, de la lutte contre la corruption et un centre d’excellence que jaillir la force d’une véritable police œuvrant pour la sécurité et l’ordre public.

En ma qualité de policier de formation, de surcroit fort de ma modeste expérience de plus de trois ans comme Chef de la Brigade Anti-criminalité(BAC) et de plus de deux ans comme responsable du névralgique Centre des opérations de la police des nations unies en Haïti, je crois à mon humble avis que l’opération visant à démanteler une cellule terroriste à N’Djamena et qui s’était soldée par la mort de plusieurs policiers, relèvent d’un amateurisme honteux qui ne fait pas l’honneur de ce corps que nous aimons et que nous avions servi et défendu avec tact et professionnel, allant jusqu’à porter au-delà de nos frontières, la grandeur de sa bannière.

Cette opération qui a tournée en fiasco a été menée par les éléments de la GMIP, dont le domaine d’intervention est le maintien de l’ordre public par une action policière réactive à la gestion des manifestants, sans usage de force excessive (sur le papier.) Cette unité anti-émeute, n’a aucune compétence pour mener des actions visant à neutraliser des terroristes. Des actions anti-terroristes requièrent de ne pas s’écarter d’un iota du processus réactif fondé sur la notion d’incident pour ainsi adopter un mode de fonctionnement fondé sur la notion de recoupement d’informations, en mettant un point crucial sur les différents moyens techniques et des canaux de renseignements afin de neutraliser les terroristes et d’éviter au maximum les pertes des agents engagés dans l’opération et de minimiser les effets collatéraux pour ne pas causer des pertes civiles, et ce, en mettant un accent particulier sur les techniques de lutte en milieu urbain.

Une unité spéciale luttant contre le terrorisme ou une unité antigang doivent connaitre les techniques anti-terroristes et de guérilla, particulièrement la guérilla en milieu urbain et la guérilla en terrain compliqué, ce qu’une unité comme la GMIP ne connait pas, elle sait comment disperser une manifestation, s’afficher sciemment en dissuadant les manifestants par des mouvements cadencés visant à frapper sur les boucliers pour faire des bruits ou en marchant en rangs serrés pour former un mur compact, ça n’est pas une façon de lutter contre le terrorisme. On ne vient pas attaquer un repère de terroriste quand le soleil, a volé la vedette a la nuit, on ne vient pas neutraliser l’antre des dangereux fanatiques, en laissant sa radio grisaillée les ordres, on ne vient pas attaquer, surprendre des terroristes en arrivant directement en voiture devant leur repère. Voilà en quelques exemples les erreurs et l’amateurisme qui a couté la vie à des compatriotes qu’on a donné l’ordre d’aller déloger des terroristes.

Je suis écœuré et dévasté qu’un sous-directeur des affaires économiques de la police se retrouve sur les lieux et perd la vie (Un DAF n’est pas un membre du personnel d’élite de la police mais, charger de la gestion des ressources financières et humaines.) Plusieurs policiers spécialisés en anti-terrorisme, ayant la chance de suivre des formations dans des pays rompus dans la matière, notamment à Bâton-rouge aux USA et en Égypte sont envoyer à la retraite d’office ou tout simplement radié de la police, selon l’humeur des membres de la fameuse commission de contrôle des effectifs de la police. Beaucoup cumulent également des expériences dans les RAID sous HH, à la BAC et ont en expérience plusieurs missions onusiennes dont l’opération turquoise au Rwanda. Ces collègues ont été renvoyés pour faire place à une nouvelle « race » de policiers qui n’ont que pour bagage que leur seule affiliation ethnique. Dommage pour le Tchad et les tchadiens qui auront à jouer un véritable jeu de poker avec les terroristes qui pourront frapper à tout moment et n’importe où car, la corruption, l’incompétence et l’amalgame au sein de la police font malheureusement le jeu des fous de Boko Haram s’il en est ainsi. La question est aussi de savoir si ces terroristes semant la mort et la désolation dans notre pays ne sont pas des Boko haram progéniture de Toumaï

Nos dirigeants doivent savoir une chose, le Tchad est embarqué dans une lutte infernale contre un ennemi qui peut-être, le vendeur ambulant, le cireur, le conducteur de voiture a bras, le conducteur de moto, le vendeur de thé la femme allant au marché comme une mère de famille, l’élève portant son sac à dos…pour mieux lutter contre ces terroristes, on doit former et équiper les unités spéciales de lutte contre les terroristes en les équipant des moyens les plus performants, notamment des minirobot utilisés pour la reconnaissance, des caméras perchées, moyens spéciaux, technique d’adaptation opérationnelle, appui cynophile, « dépiégeage » d’assaut, moyens optiques, acoustiques, explosifs, et surtout éviter l’amateurisme, en mettant sur pied une cellule d’évaluation et obligatoirement un organe de préparation opérationnelle.

 Ceux qui avaient envoyé à l’aveuglette nos policiers se faire « souffler » par les terroristes ont-ils pu analyser les renseignements en profondeur? A-t-il une synchronisation de commandement, a-t-on pensé à la détection et traitement des pièges en phase d’assaut comme ce fut le cas de nos collègues? Une autre urgence pour rapprocher le peuple avec sa police, interdire les pratiques coercitives et exclusivement révoltantes comme ce fut le cas des élèves et étudiants, les tirs à balles létales sur les manifestants alors que la police a plusieurs autres moyens dissuasifs qu’elle pourra utilisé pour disperser une manifestation. C’est en gagnant la confiance des populations qu’on pourra créer une chaine de solidarité et de renseignements efficace car, quel citoyen qui pourra venir dénoncer des individus suspects au risque de se faire tabasser et emprisonner?

Messieurs le Ministre de la sécurité, le Directeur Générale de police nationale, mon collègue et promotionnaire, Directeur de la Sécurité publique, Messieurs le Directeur des RG, songer à impliquer la population dans la lutte contre les terroristes en mettant en place des lignes téléphoniques gratuites a numéro unique pour recueillir les informations provenant de la population. Sortez de votre torpeur et mettez-vous à l’ordre du jour, en adoptant une nouvelle vision d’une police moderne, réactive et efficience. Plusieurs de nos compatriotes(policiers) qui étaient dans les missions onusiennes, ont montré l’efficacité de notre corps de police, en occupant des postes importants et stratégiques dans les différentes missions de paix en Afrique ou ailleurs dans le monde mais, là où le bât blesse, ils rentrent au Tchad, ils rejoignent ainsi la cohorte des « nimistes :sous les Nimiers », usant leur pantalon en passant leur journée de travail sans rien faire, rongeant leur ongle, ne pouvant même pas restituer les expériences acquises lors de leur mandat comme soldat de la paix ayant échangé des expériences mutuellement avantageuse avec des policiers de presque tous les pays du monde, aussi lointain que l’Inde, le Népal, la Chine, la Russie, le Brésil, le Guatemala, l’Espagne, la France, le Canada, les USA, le Chili, le Vanuatu…

A mon humble avis, pourquoi des unités comme la défunte BAC, ont pu faire des missions avec succès notamment en dehors de sa base (province) et même à l’étranger(Cameroun) pour aller enquêter et appréhender des bandits ayant fait des attaques à main armée avec mort d’homme pour aller se réfugier au Cameroun? Pourquoi des unités d’élite comme la BAC arrivent à mettre la main sur des coupeurs de route armés d’armes de guerre (AK-47, bazooka, etc.) sans mettre la vie de ses agents en danger? Pourquoi la BAC a pu maitriser la situation de bataille rangée entre plusieurs individus(ou intertribale) sans perdre un élément et causé des pertes civiles? Et pourquoi on ne peut arrêter des insurgés cachés dans une maison comme ce fut le cas de l’opération bâclée qui s’est soldée par la mort des agents? Pourquoi cet amateurisme qui n’honore pas la police?

Contribution de Abbas Kayangar

Ancien chef de la Brigade Anti-criminalité (BAC)

Ancien membre de la commission d’enquêtes sur les crimes

Ancien chef du Centre des opérations de la police de l’ONU (Haïti)

Via : letchadanthropus