La Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) annonce l’octroi de fonds d’urgence pour injecter dans les économies en récession du Tchad et de la Guinée équatoriale, deux pays secoués par la baisse continue des cours du pétrole, leur principale source de recettes budgétaires, et par ailleurs soumis à une réduction des niveaux de refinancement de leurs banques.

Réuni en session extraordinaire lundi à Yaoundé, le comité de politique monétaire de la BEAC a approuvé la mise en place d’un dispositif d’apport de liquidité en urgence au sein de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), une décision motivée par la situation financière préoccupante déclarée dans plusieurs banques du Tchad et de la Guinée équatoriale.

“L’apport de liquidité en urgence consiste à fournir, de façon discrétionnaire et exceptionnelle, de la liquidité à une institution financière solvable, mais souffrant de tensions de liquidité sérieuses pouvant entraîner un risque financier majeur pour notre sous-région”, a expliqué le gouverneur de la BEAC, Abbas Mahamat Tolli, lors d’un échange avec la presse au terme de ces assises.

“La mise en place de ce dispositif dans la CEMAC est principalement motivée par le contexte régional marqué par la vulnérabilité de la situation de trésorerie de plusieurs banques, en liaison notamment avec les difficultés financières des Etats. Elle est donc de portée systémique”, a-t-il ajouté, sans citer cependant le Tchad et la Guinée équatoriale, dont les difficultés ne sont guère un mystère.

Plus que les autres membres de la CEMAC (Cameroun, Congo-Brazzaville et Gabon) et hormis la République centrafricaine (RCA), qui tente de sortir d’années de conflit armé, ces deux pays subissent fortement les contrecoups de la chute des prix du baril de pétrole, à la base de leur économie.

Le dispositif d’apport de liquidité en urgence ne se limite pas aux deux Etats en récession. Il vise à prévenir tout autre risque éventuel de tension de trésorerie dans les autres pays membres de la CEMAC. Les modalités pratiques seront finalisées d’ici la fin de l’année, a précisé M. Mahamat Tolli en conférence de presse lundi.

A cause de cette crise, la croissance du produit intérieur brut (PIB) de la CEMAC a décliné en 2016, pour se situer à 0,2%, son niveau le plus bas depuis les dix dernières années, selon les estimations. Pour 2017, les projections annoncent une reprise timide de 1,6%.

Les pays de la région mènent en ce moment des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), visant à conclure dans les mois à venir des accords d’aide devant leur permettre, grâce aux financements attendus d’autres bailleurs de fonds, de “mobiliser des ressources importantes et indispensables à la consolidation de leur position extérieure”, affirme le gouverneur de la BEAC.

En mars, cette banque centrale, après avoir constaté un ralentissement de la baisse des réserves extérieures, avait décidé de relever de 50 points de base son taux directeur, pour le fixer à 2,95%, puis de geler les plafonds d’avances statutaires à ses Etats membres et de maintenir inchangés les objectifs de refinancement des banques.

Deux mois plus tard, la tendance baissière des réserves de change est encore loin de s’inverser, note le dirigeant de la banque. Pour consolider ces réserves et favoriser le rétablissement de la position extérieure, à un niveau plus confortable et dans les meilleurs délais, trois mesures supplémentaires ont été prises lors de la réunion tenue lundi dans la capitale camerounaise.

La première mesure porte sur la réduction de 20% des objectifs de refinancement du Tchad et de la Guinée équatoriale, à cause du constat de la position débitrice des comptes d’opérations des deux pays.

En deuxième lieu, les participants à la réunion du comité de politique monétaire de la BEAC se sont prononcés pour la “baisse automatique de 10% de l’objectif de refinancement de tout pays dont la position en compote d’opérations serait débitrice, mais dont le ratio du solde en compte d’opérations sur la circulation fiduciaire serait inférieur au seuil minimal de 15%”, selon le gouverneur.

La dernière a trait à la “réduction complémentaire de 10% de l’objectif de refinancement de tout pays dont la position créditrice en compte d’opérations deviendrait débitrice après qu’il (a) enregistré une première réduction de 10% de son objectif de refinancement sur la base du ratio du solde en compte d’opérations sur la circulation fiduciaire”.

La baisse des réserves de change n’est toutefois pas alarmante, selon le patron de la banque centrale qui estime à 55% le volume actuel. “Nous avons jusqu’à 20% de niveau où les éléments de garantie devraient jouer. On n’est vraiment pas dans ce cas de figure. Les mesures que nous prenons, c’est pour faire en sorte qu’il n’y ait pas un surplus de liquidités dans le système”, explique-t-il.

Pour enrayer la crise économique qui frappe la région, il presse les gouvernements de privilégier les investissements “qui soient judicieux et utiles pour le développement du secteur public ou l’économie de façon globale”.

Il insiste aussi sur la nécessité de “mettre en place des politiques de finances publiques soutenables, d’avoir un niveau d’endettement bien maîtrisé puis de mener des réformes structurelles pour diversifier les bases économiques de façon à importer le moins de choses possible sur la durée et permettre aussi de gérer nos finances publiques de façon appropriée”.

“Notre souci, c’est de n’accorder, comme volume de refinancement, que ce qui est juste nécessaire et utile. Parce que là on n’est plus dans la conjoncture que nous avions connue les années antérieures, où on avait des taux de couverture de 110%, du fait que les cours du pétrole étaient importants et les niveaux de production du pétrole étaient également élevés”, résume-t-il.

Raphaël MVOGO