Dans le cadre de la lutte contre le mariage précoce et/ou forcé, l’artiste tchadien Ray’s Kim a initié une campagne de sensibilisation dénommée « Mon mariage m’appartient ». Du 05 au 10 juillet 2017 s’est tenue la première phase de ladite campagne dans les villes de Pala et Kélo sur les 11 initialement prévues. Dans une interview accordée à notre rédaction, le « Bunda Boss » explique le contexte de son concept.

Tchadinfos : Comment est né le concept « Mon mariage m’appartient » ?

Ray’s Kim : « Mon mariage m’appartient » est un projet que j’ai initié avec la participation et le soutien des médias. C’est parti juste d’un  constat de société. Un jour je suis allé à l’hôpital au chevet d’une  maman pour transmettre une commission.  Je me suis rendu compte que juste au couloir, il y’avait des femmes alignées avec beaucoup de mouches tout autour. Ce n’était pas bien à voir. C’est ainsi que  ma curiosité m’a amené à demander à la maman pourquoi ces femmes sont-elles alignées de la sorte et elle me répondait que ce sont des femmes fistuleuses. Elles étaient venues se faire  consulter afin de prendre des traitements. J’ai ensuite demandé les causes et on  m’a expliqué  que, lorsqu’une femme n’est pas prête aux rapports sexuels cela cause des perforations   entre le vagin et la vessie. Du coup la femme ne pourra contrôler l’urine. Une deuxième perforation entre le vagin et l’utérus empêche la femme de contrôler son selle.

Tchadinfos : Telle était donc votre motivation ?

Ray’s Kim : Oui ! Beaucoup d’associations et d’ONG initient des campagnes de sensibilisation contre ce mal. Je me suis dit, moi en tant qu’artiste quel peut être mon apport pour la conscientisation de la société. C’est ainsi que je me suis entouré des journalistes et on a écrit le projet pour le déposer un peu partout. Connaissant les réalités du pays, tout le monde a évoqué la précarité financière actuelle avec les 16 mesures. Personne n’à daigner nous accompagner. On a eu la chance d’être soutenu par des particuliers pour nos déplacements et hébergements. Nous sommes donc partis sur cette base avec zéro financement.

Tchadinfos: Comment s’est passé la première phase ?

Ray’s Kim : Nous avons commencé avec la première phase le 05 juillet pour finir pratiquement le 10.

« Mon mariage m’appartient » à Kélo

La campagne a commencé par une conférence-débat autour du thème « causes et conséquences du mariage précoce et/ou forcé ». Cela a réuni les acteurs de développement, de la société, les leaders religieux, les autorités locales et beaucoup de jeunes. Nous avons eu des témoignages brûlants à l’exemple de celui d’une dame qui était mariée à l’âge de 14 ans alors qu’elle était en classe de 6ème. Aujourd’hui elle se retrouve avec cinq enfants et sans mari. Nous avons aussi eu la chance d’être assisté par le Médecin chef de l’Hôpital de Kélo qui nous a exposé les conséquences fâcheuses de cette pratique. Il s’en est suivi un concert dans l’après-midi qui a rassemblé toute une foule. On a donc à cette occasion fait passer le message pour la lutte contre le mariage précoce et/ou forcé.

« Mon mariage m’appartient » à Pala

Le 08 juillet à Pala nous avons fait la même chose.  On a débattu amplement sur le sujet. Il est ressorti que beaucoup connaissaient déjà les causes et conséquences du mariage précoce et/ou forcé mais il manquait des actions concrètes pour la lutte. Nous avons demandé donc que des plaidoyers soient faits auprès des personnes concernées. Moi je définis le mariage précoce comme une prison. J’en ai profité pour dire à toute l’assistance que le meilleur mariage auquel on peut envoyer sa fille c’est l’école. Il   faudrait qu’on arrête avec cette pratique qui engendre des situations fâcheuses et désastreuses aux jeunes filles.

Tchadinfos : Pensez-vous pouvoir continuer la campagne après Kélo et Pala ?

Aujourd’hui, la question du mariage précoce et/ou forcée concerne tout le monde et chacun doit faire sien ce problème afin de contribuer à la lutte.  Les gens apprécient le projet mais pour le concrétiser, il y a tellement eu de réticences, je ne sais pour quelle raison. Nous ne sommes qu’à notre première phase. On ne peut pas continuer la sensibilisation dans les 11 villes prévues parce que les moyens ne nous le permettent pas. C’est pourquoi nous avons décidé de faire la sensibilisation phase par phase selon les ressources disponibles. Après cette première que nous considérons comme une phase pilote, nous avons trouvé que nous avons vraiment cette capacité de parler à nos sœurs et nos parents. A travers cette façon de communier   nous avons la facilité de faire passer le message. Aujourd’hui, pour combattre un mal, il faudrait que ses causes et conséquences soient vulgarisées.

Avez-vous un message à passer ?

On appelle toujours à la sensibilité des uns et des autres. Aujourd’hui, mieux vaut prévenir que guérir. Les conséquences du mariage précoce sont des maux indélébiles. Il faut agir en amont. Toutes ces femmes atteintes de fistule se cachent pour vivre. Elles ne peuvent plus avoir de relation sérieuse avec un homme. Nous appelons les particuliers, les ONG, les associations et les pouvoirs publics de songer à nous aider pour continuer ce combat. Je voudrais en profiter pour remercier tous mes partenaires et plus spécialement les médias qui ne cessent de relayer l’information.