YAOUNDE, 10 novembre (Xinhua) — A trois semaines de l’ouverture de la Conférence internationale sur le climat (COP 21) prévue du 30 novembre au 11 décembre à Paris en France, les pays membres de la Commission du Bassin du lac Tchad (CBLT) sont réunis depuis lundi à Yaoundé pour la finalisation d’un plan de développement de près de 600 milliards de francs CFA (environ 1,2 milliard de dollars).

Troisième lac mondial d’eau douce et quatrième plus grand d’Afrique, le lac Tchad est une zone écologique de grande importance partagée entre quatre pays d’Afrique de l’Ouest (le Nigeria et le Niger) et centrale (le Cameroun et le Tchad) et dépendant d’un bassin élargi à deux autres pays (la Libye et la République centrafricaine), pour une superficie totale de plus d’un million de kilomètres carrés.

Suite à une diminution drastique de sa superficie de 25.000 à moins de 10.000 km2 entre les années 1960 et aujourd’hui sous l’effet de l’assèchement, selon les estimations, ce plan d’eau autour duquel vit une population estimée à 47 millions d’habitants suscite d’énormes préoccupations pour la préservation de ses ressources, face à l’ampleur des défis climatiques couplés aux périls sécuritaires.

Le climat d’incertitudes s’est surtout amplifié avec la montée de l’insécurité due aux activités terroristes de la secte islamiste nigériane Boko Haram, qui affectent notamment la stabilité et l’économie du Nigeria, du Cameroun, du Tchad et du Niger, au moment où le lac, reconnu par la convention Ramsar, est en cours de classement au Patrimoine mondial naturel de l’UNESCO.

En contraste avec l’extrême pauvreté qui frappe une partie de sa population, cet espace est aussi le théâtre d’une importante activité économique, liée à l’exploitation d’abondantes réserves en hydrocarbures, source de pollution, qui n’ont pas fini d’être découvertes et qui profitent déjà au Nigeria, premier pays producteur de pétrole d’Afrique, puis au Cameroun et au Tchad.

Pour limiter l’impact du réchauffement climatique et de la crise sécuritaire et humanitaire causée par Boko Haram, la Commission du Bassin du lac Tchad (CBLT), formée du Cameroun, de la Libye, du Niger, du Nigeria, de la République centrafricaine (RCA) et du Tchad, a entrepris d’élaborer, avec l’appui de la Banque mondiale, un Plan de développement et d’adaptation au changement climatique, qui prévoit de mobiliser ses financements lors de la Conférence de Paris sur le climat.

D’un coût estimé à 900 millions d’euros étalé sur dix ans découpé en deux phases de durée différente (2016-2018 et 2019-2025), ce programme ambitieux vise, d’après ses grandes lignes, à “faire du lac Tchad un pôle rural du développement régional capable de contribuer de manière ignificative à la sécurité alimentaire, à l’emploi et à l’inclusion sociale des jeunes. Ceci, en améliorant les conditions de vie des populations des rives et îles du lac Tchad de façon durable”.

C’est un plan d’action en sept objectifs principaux au menu d’une session extraordinaire du Conseil des ministres de la CBLT programmée vendredi à Yaoundé et précédées d’une réunion d’experts de trois jours ouverte lundi en présence du secrétaire général du ministère camerounais de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, Gilbert Didier Edoa.

Ces assises devront aussi définir les actions nécessaires pour permettre d’assurer, d’après le document dont Xinhua a obtenu copie, “la résilience d’un système caractérisé par une forte croissance démographique, une forte variabilité hydrologique et une incertitude climatique”.

Parmi les objectifs spécifiques, les participants sont appelés à examiner les possibilités d’appui aux producteurs et aux filières de production en vue d’accroître la contribution du lac à la sécurité alimentaire et à la stabilité régionale, en augmentant la production de nourriture et l’emploi. Ils doivent en outre favoriser la sécurisation de l’accès aux ressources naturelles, la prévention et la gestion des conflits.

La facilitation des transports et des échanges au sein de la région est aussi recherchée, au même titre que l’amélioration des conditions de vie des populations par des investissements publics, sans oublier les mesures destinées à préserver le capital environnemental du lac et à contribuer à freiner l’une des croissances démographiques les plus fortes du monde.

Une meilleure gestion des ressources en eau à l’échelle du bassin fait aussi partie des objectifs, avec la diffusion de l’information, l’amélioration de la connaissance et le suivi du milieu.

Sur la base des propositions, il est prévu que la mise en œuvre de ces mesures reviendra aux gouvernements des quatre pays riverains, aux pouvoirs locaux, à la société civile et au secrétariat exécutif de la Commission du Bassin du lac Tchad.

A elle seule, cette organisation régionale, handicapée par une insuffisance chronique de financements, est loin de prétendre de relever les défis posés. Les contributions statutaires de ses Etats membres ont été fixées à 40% pour le Nigeria, 20% pour le Cameroun, 18% pour la Libye, 11% pour le Tchad, 7% pour le Niger et 4% pour la RCA, mais le versement irrégulier de ces ressources fait préoccupe.

Les dirigeants de la région avaient déjà demandé et obtenu la tenue d’une réunion spéciale à l’occasion du sommet mondial de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en décembre 2009 à Copenhague au Danemark. A la COP 21, ils espèrent mobiliser des aides offertes par le Fonds Vert pour le climat et les fonds de financement de l’adaptation.