Ils sont jeunes. Pour eux, devenir une star du rap par tous les moyens est une devise. Et rêvent de changer les conditions sociales et politiques du Tchad.

Ils se surnomment Dj Sox, Saint Fort, 4Man, etc. Ils ont une seule passion: le rap. Un seul rêve: devenir comme Mc Solaar, Maoundoé, Didier Awadi, Passi et autres. Ils se donnent tous les moyens, qui les manquent d’ailleurs, pour arriver à leurs fins. Comme le dit un penseur, tous les moyens sont bons pourvu qu’ils soient efficaces. Ils se promènent souvent avec une de leurs chansons sur une clé Usb rarement sur un autre support. Ils font le tour des radios, courent derrière les animateurs pour que leur single passe sur les antennes. “Ces gens-là dérangent beaucoup”, se plaint un animateur de radio qui affirme “gérer plutôt les gens sérieux” . Bien que l’art ne nourrit pas son homme au Tchad, au point où certaines stars locales lais – sent un peu de côté leur engagement et lorgnent dans la mangeoire, beaucoup de ces jeunes font passer même la musique avant les études. Tellement obnubilé le rêve de passer sur les grandes chaînes de télé, de faire des tournées plus que médiatisées, un jeune d’à peine 17 ans a volé le groupe électrogène de ses parents et l’a vendu. Puis il s’est rendu à Sarh pour faire sortir un single. Mais cette aventure s’est soldée par un fiasco: l’argent a été dilapidé et le single n’a pas vu le jour.

Dans ce mouvement, les choses se passent exactement ou presque comme dans le monde politique. La religion, la raison et le fétichisme se côtoient. Un de ces nombreux partisans du mouvement hip hop, après un concert qui n’a pas drainé du monde, promet à ses amis: “ne vous en faites pas. Rien ne marche pour le moment mais j’irai au village me ressourcer. Je crois qu’après cela, tout va marcher” . Un autre, plus audacieux, s’est rendu au village pour se purifier. Arrivé au village, les féticheurs lui ont dit que ce sont ces longs cheveux qui lui por – tent malheur, il faut qu’il s’en débarrasse. Aussitôt dit, aussi-tôt fait. De retour à N’Djaména, sûr d’être chanceux, il organise un concert test mais c’est un autre fiasco.

D’autres qui ont la chance d’aller étudier à l’étranger, investissent l’argent que les parents leur envoient dans la musique. Dj Max a tout fait pour étudier au Sénégal, espérant côtoyer les grands de là-bas; ses parents l’ont envoyé dans un autre pays d’Afrique de l’Ouest. Mais il met sa bourse et ses frais de scolarité dans la musique. Il ne part plus à l’école. Quand les parents, mis au courant, lui demandent des comptes, il leur répond: “j’ai investi dans la musique parce que quand mon album sera sur le marché, je paierai mes études moi-même et vous allez vous reposez” . Mais l’album sorti ne marche pas, il est toujours à la charge des parents. Pour Big Flor, président de l’entente des artistes du IX ème arrondissement, leur entente oriente plutôt les jeunes vers le droit chemin. “Le milieu du hip-hop est peu raciste et sectaire. Les gens se choisissent pour faire la promotion. Mais au IX ème , on est presque intègre même si quelques brebis galeuses élisent domicile chez les hommes politiques pour avoir du matériel” , déclare-t-il.

Cependant, si ces jeunes sont sérieux, il existe des structures qui peuvent leur donner une chance. “Nous organisons des festivals comme N’Djam hip-hop et le meilleur groupe représente le Tchad au Gabao hip-hop. On fait venir les formateurs de France pour former ces jeunes au moins deux fois dans l’année. Nous soutenons les jeunes qui ont de meilleurs projets”, déclare Nanadoumgar Labe Ricardo, animateur culturel à l’Institut français du Tchad. “Il faut que les enfants sachent que de nos jours on ne peut pas faire du rap sans être instruit. D’ailleurs avant de soutenir un jeune rappeur, on voit d’abord son niveau d’instruction et sa qualité artistique” , ajoute- il.

DR

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