N’DJAMENA, 28 février (Xinhua) — Les mouvements continus des milliers de personnes, fuyant les exactions de la secte nigériane Boko Haram vers la région tchadienne du Lac, ont affecté les maigres ressources et les infrastructures limitées dont disposent les communautés hôtes, selon un rapport publié cette semaine par le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) au Tchad.

Suite à l’attaque de Ngouboua, localité située dans la région tchadienne du Lac, sur la rive nord-est du lac Tchad, le 13 février, la première perpétrée par Boko-Haram au Tchad, des mouvements de population internes importants ont été constatés, affirme le rapport d’OCHA.

Selon les autorités locales citées par l’agence onusienne, environ 5.000 personnes de la population de Ngouboua et des villages environnants, ainsi que des réfugiés nigérians, se sont déplacées vers la ville de Baga-Sola.

D’autres mouvements ont été constatés, en particulier de Ngouboua vers Forkolom, mais aussi des groupes d’enfants et adolescents en provenance de Ngouboua et Tchoukoutalia se dirigeant vers Bol, le chef-lieu de la région du Lac, pour rejoindre leurs familles sur place.

Au total, plus de 15.000 Nigérians se sont réfugiés dans la région tchadienne du Lac depuis le 3 janvier 2015, selon la Commission nationale d’accueil et de réinsertion des réfugiés ( CNARR) et le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Une enquête entreprise entre le 3 et le 13 février par OCHA signale également la présence de quelques 8.500 Tchadiens retournés du Nigeria, ainsi que de 14.500 déplacés internes (dont 5.000 suite aux violences à Ngouboua) et quelques 200 ressortissants des pays tiers, notamment le Cameroun et le Niger.

“Au-delà de ces mouvements, les communautés hôtes sont fortement affectées par cet afflux, car elles partagent leurs maigres ressources et leurs infrastructures limitées avec ces nouveaux arrivés”, indiquent les organisations humanitaires au Tchad.

Il est prioritaire, ajoutent-elles, d’apporter un appui socio- communautaire aux communautés hôtes qui les hébergent, tout en favorisant la cohabitation pacifique, particulièrement les quatre sous-préfectures: Bol, Baga-Sola, Liwa, Daboua.

“L’impact de la crise au Nigeria sur l’ensemble des habitants de la région du Lac n’est pas à négliger. Les populations locales subissent les conséquences économiques de la fermeture de la frontière, qui est en train d’avoir un impact négatif sur les moyens d’existence et la sécurité alimentaire”, note le document d’ OCHA.

Il est notamment souligné que l’interdiction de circulation sur les eaux du Lac bloque les activités de pêche et de commerce, entraînant une raréfaction et une inflation significative des denrées alimentaires de base sur les marchés. A cela s’ajoute le fait que les activités agricoles sont limitées par le contexte sécuritaire dans certaines localités.

Sur le plan sécuritaire, la situation est qualifiée de volatile depuis plusieurs semaines. “Des informations reçues font état d’ arrestations de dizaines de personnes soupçonnées d’appartenir à Boko Haram sur plusieurs îles”, indique le document d’OCHA.

Dans la région du Lac, le dispositif sécuritaire a été renforcé par les autorités à travers la limitation des mouvements, les fouilles et le couvre-feu.

Les agences humanitaires n’excluent pas des mouvements supplémentaires de population. D’une part, il pourrait se produire de nouveaux déplacements internes préventifs liés aux menaces de Boko-Haram. D’autre part, un nouvel afflux de réfugiés en provenance du Nigéria reste plausible, en cas de tensions autour des élections présidentielles et législatives nigérianes qui auront lieu le 28 mars 2015.

La communauté humanitaire affirme avoir déployé une assistance principalement pour les 3.600 réfugiés du Nigéria et les retournés tchadiens qui se trouvent sur le site de Dar-es-Salam (Baga-Sola). Grâce aux interventions en cours, les besoins humanitaires sont couverts dans le secteur des abris de l’eau hygiène et assainissement, de l’alimentation, et la santé.

Cependant, des besoins importants demeurent, principalement dans les domaines spécifiques de la santé de la reproduction, de la prise en charge des violences sexuelles basées sur le genre, et de l’éducation.

“Une attention majeure doit se porter sur la situation humanitaire des personnes hors de ce site. En particulier, en appui aux autres populations tels que les retournés tchadiens, les déplacés internes, les communautés hôtes, et les ménages dont la situation socioéconomique est impactée par la fermeture de la frontière”, conclut le rapport d’OCHA.

Une évaluation inter-Agences multisectorielle est prévue afin d’ analyser l’impact de la crise au Nigéria sur toutes les populations affectées dans la région du Lac. La mission se concentrera sur l’identification des besoins humanitaires non- couverts de la population locale (estimée à 37.000 habitants), des réfugiés, des retournés et des déplacés internes.

Crédit Photo : OCHA