Nous sommes partis à la rencontre de Myriam Mady, jeune cadre dynamique en charge de la communication du Ministère du Développement Pastoral et des Productions Animales. Myriam a la mission de vendre l’élevage tchadien à l’international ainsi que de communiquer sur le développement du secteur de l’élevage.

Bonjour Madame la Directrice, c’est quoi votre rôle au sein du Ministère ?

Bonjour, en tant que Directrice de l’Information et de la communication, j’ai un rôle de catalyseur car je dois faciliter les échanges, mettre en place une stratégie de communication efficace pour le développement du secteur. Nous faisons aussi face parfois à des crises (épidémies…) donc nous devons dans ces situations adopter les bonnes méthodes pour communiquer. Ma Direction est transversale, et est au service de l’ensemble des autres directions ainsi que le cabinet du Ministre. Nous valorisons par ailleurs nos activités et diffusons par différents canaux nos actions et réalisations.

Qu’avez  vous  accompli depuis votre nomination à ce poste ?

Il faut savoir que la Direction de l’Information et de la Communication au sein du Ministère du Développement Pastoral et des Productions Animales est très récente. C’est donc une jeune Direction qui a moins de 2 ans d’existence, et je suis à ce poste il y a encore moins d’un an.

Ainsi sans aucune prétention, nous avons élaboré un plan de communication ainsi qu’un plan d’action 2014, et nous sommes en bonne voie pour la réalisation effective de ce cahier de charge. Un projet qui me tient particulièrement à cœur est en gestation, et devrait voir le jour au premier semestre de cette année, nous sommes dans la mobilisation des fonds, mais au moment venu je vous en dirai plus.

Nous participons à plusieurs évènements en vue de vendre l’élevage tchadien à l’international, par exemple tout récemment au salon de l’Agriculture de Paris, où le Tchad a briller par son savoir faire en matière de pastoralisme, et de « son espèce » endémique qui est le bœuf Kouri.

Mon accomplissement passera et dépendra  du développement du secteur de l’élevage à travers sa modernisation, la reconnaissance de sa plus value conséquente dans l’économie tchadienne et enfin lorsqu’elle sera sur la première marche du podium et reconnue comme secteur porteur créateur d’emploi, bref le secteur d’aujourd’hui et de demain…

L’élevage était l’une des premières richesses au Tchad, ce n’est pas affligeant qu’il soit si mal reconnu ?

L’élevage a toujours été le parent pauvre dans le milieu, il souffre de son image très peu valorisante. Avec des préjugés sur les éleveurs qui sont parfois marginalisés. Il souffre aussi de sa non productivité, de nombreux éleveurs font encore de l’élevage de prestige (absence d’usine de lait, exportation uniquement sur pied…). Tout ceci ne sera bientôt qu’un mauvais souvenir, car le MDPPA a amorcé de grands chantiers qui devront à court et moyen terme dynamiser le secteur et lui redonner ses lettres de noblesses.

Cette année par exemple c’est l’année de l’agriculture familiale au sens large du terme, c’est dire qu’il faut valoriser nos « petits » élevages et agricultures qui sont porteurs et qui font vivre de centaines et milliers des populations. Partout en ville et dans les campagnes, les ménages ont quelques moutons, des poules, canards, un potager… bref autant de micro entreprises qui contribuent à mettre les enfants à l’école, constitue une épargne solide pour les femmes… l’heure est venue à l’Etat de mener des réflexions dans ce sens afin de capitaliser ces ressources et accompagner si possible ces pratiques économiquement viables….

Le changement climatique ne joue t-il pas un rôle négatif dans l‘élevage ?

Il faut savoir que les éleveurs sont les premiers météorologues, ils savent depuis la nuit de temps interpréter les différents signes de la nature… Le Tchad pays sahélien est très propice à un type d’élevage appelé pastoral. Les écosystèmes et les systèmes productifs sahéliens sont mieux adaptés aux aléas climatiques. Mais nous ne devons pas seulement nous enquérir de cette situation, mais penser à l’avenir et mettre en place de vrais politiques publiques sur la question afin d’atténuer les effets du changement climatiques sur les éleveurs.

Quels sont les projets  au Ministère pour  l’élevage au Tchad ?

Comme je le disais tantôt, le MDPPA a amorcé de grands chantiers dans le secteur de l’élevage. Nous voulons tout d’abord moderniser notre élevage, et cette modernisation passe surtout par son industrialisation. La construction des complexes industriels vont voir le jour très bientôt, certains ont déjà commencé comme celui de Moundou avec une capacité de 20 000 tonnes/an. Il approvisionnera en viande la population locale et l’excédent sera exporté dans les marchés sous régionaux-CEMAC. Une usine de prétraitement sera fonctionnelle et permettra de prétraiter les cuirs et peaux du Logone avant d’être acheminés sur N’Djaména et une partie pour l’artisanat local. D’autres complexes comme ceux de Djarmaya, Abéché, Koundoul, Mandelia ou encore Amdjarass (pour l’exportation vers les pays du moyen orient et du golfe…) seront opérationnels.

Le département travaille aussi avec plusieurs partenaires au développement sur des projets intégrés. Nous pouvons citer l’Agence Française de développement, la Bad, la BDEAC… et récemment la Banque Mondiale à travers l’initiative sahel.

En tant que Directrice de communication comment communiquez-vous sur vos actions ?

Nous communiquons beaucoup pour l’instant à travers les médias. Nous couvrons systématiquement nos rencontres, nos missions sur le terrain. Nous faisons participer nos cadres à des plateaux télé et radio, le Chef de département accorde plusieurs interviews…

Notre site internet est en cours de création ainsi qu’un magazine qui verra le jour dans le premier semestre de cette année. Cependant nous utilisons les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter de manière spécifique.

Dans notre communication pour le développement, l’approche est participative, nous mettons en place des cadres de dialogue et de concertation avec toutes les parties prenantes (éleveurs, sociétés civiles…). Nous organisons des formations à l’endroit de ces acteurs, ainsi que les campagnes de sensibilisation. Nous pouvons citer celle qui se fait actuellement dans le cadre du recensement Général de l’élevage.

Les tchadiens ne savent pas communiquer et ne comprenne d’ailleurs pas l’importance de la communication, c’est du à quoi ?

A chaque génération sa méthode, le Tchad vient juste de sortir d’une grande période d’instabilité ou certaines choses comme la communication paraissent minime. La paix retrouvée et consolidée, nous pouvons enfin oser le changement à travers une meilleure communication. De plus en plus la communication est au centre des préoccupations des opérateurs économiques et aussi des institutions étatiques et parapubliques. Ce n’est plus exclusivement l’affaire des opérateurs téléphoniques ou des grosses firmes… Son importance gagne du terrain pour le bonheur des communicateurs. Nous espérons faire plus, avoir davantage de reconnaissance. Je suis très optimiste sur ce point quand je vois les agences de communication qui pilule de jour en jour en proposant des services variés… Le tout ce n’est pas de communiquer, mais de BIEN COMMUNIQUER, et ça malheureusement ce n’est pas donné à tout le monde.

Etre carriériste c’est un « gros mot » au Tchad ?

Rires… Oui et non, mais tout dépend de la définition qu’on donne à ce mot qui vient de carrière. Si par abus de langage carriériste voudrait dire arriver coute que coute à ses fins (comme je le vois de nos jour), alors oui le tchadien est très carriériste et ce n’est pas un grand mot. Mais si carriériste voudrait dire, avoir de l’ambition dans le souci d’une évolution de carrière basé sur la compétence, dans ce dernier cas j’ai bien peur que le mot n’est pas indiqué ici. La philosophie de nos jours est plutôt tout chemin mène à Rome, donc compétence ou pas, pourvu qu’on avance quitte à frôler l’imposture, puisque le ridicule ne tue point… Rires

Est-ce difficile d’être une femme carriériste au Tchad ?

Il est difficile pour une femme d’être carriériste même dans les pays occidentaux, ce n’est pas seulement le cas de mon pays le Tchad. Quand nous voyons qu’au même poste avec les mêmes compétences, les femmes sont payés jusqu’ ‘à 40% moins que les hommes, vous voyez donc que le 8 mars à encore du chemin à faire. Mais il y a des avancées considérables, nous n’avons pas encore de parité au niveau ministériel comme en France, mais nous avons quelques femmes qui occupent des portefeuilles clés dans notre pays comme par exemple le Ministère de l’Economie et du Plan. La lutte pour l’égalité des droits dans le travail doit encore se faire et s’intensifier partout et même au delà de nos frontières.  Nous femmes, mères de l’humanité devront  nous imposer par notre travail, notre courage de continuer la bataille et contribuer à « casser » les stéréotypes du genre nous ne sommes bonnes que pour faire la cuisine et le ménage…

Qu’avez-vous fait avant cette nomination ?

J’ai toujours travaillé dans la communication, et surtout la communication pour le développement. J’aime particulièrement ce domaine qui me permet d’être actrice dans le processus de développement quel qu’il soit. J’ai commencé ma carrière à l’OIF à Paris en passant par l’Agence Française de Développement ou encore l’UNICEF au Tchad. Aujourd’hui je suis particulièrement fière de travailler dans une institution publique de mon pays. C’est différent et exaltant à la fois. Avant je travaillais pour le « bailleur » et maintenant je travaille pour le « bénéficiaire » tout en m’incluant en tant que cette dernière.

Anciennement issue de la diaspora êtes vous contente d’être rentrée  au Tchad et quelle est votre vision à moyen et long terme de l’avenir du pays?

Il y a encore peu de temps j’étais comme vous le dites issue de la diaspora, je suis très heureuse d’avoir fait le voyage du retour aux sources. J’avais beaucoup d’appréhensions comme beaucoup je suppose quand la cloche du départ sonne. Mais j’ai été agréablement surprise de toutes les opportunités que nos pays recèlent. Il faut « oser » sauter le pas. La transition se fera sans doute avec un brin de nostalgie et peut être quelques obstacles au début, mais le jeu en vaut la chandelle. Alors je voudrais aussi lancer un appel à toute la diaspora tchadienne, le Tchad qui a renait de ses cendre, a besoin de vous tous. Le pays a conscience de vos atouts, de vos idées novatrices, de votre plus value considérable dans son processus de développement, alors faites parler la fibre de patriotisme qui sommeille en vous et venez nous rejoindre, il fait bon vivre au pays de Toumaî.

Que voulez-vous apporter à votre pays ?

Ma modeste contribution pour son développement, mais surtout du développement du secteur rural qui me tient particulièrement à cœur. J’ai quitté la grande agglomération parisienne pour travailler aux services de mes chers éleveurs dans les contrés reculées et j’en suis très fière.

Que pensez-vous de la situation des jeunes diplômés tchadiens ?

Les jeunes diplômés tchadiens souffrent malheureusement à plusieurs échelles de la conjoncture sociale. Il ya davantage de chômage, car dès la base, les orientations pégagogiques dans l’éducation nationale ne sont faites que dans le « général » et très peu dans le « technique ». Nous nous retrouvons avec des diplômés (sauf médecins, infirmier…) qui si vous me le permettez, ne savent pas faire grands chose (mais ce n’est pas de leur faute, c’est surtout celle de la mauvaise formation qu’ils ont reçu via des instituts pas homologués par l’Etat et d’origine douteuses, mais aussi par le manque des initiatives publiques pour leur insertion sociale).  Tous veulent se faire intégrer à la fonction publique pour la garantie de l’emploi. C’est une situation déplorable et doit cependant être au cœur des préoccupations et des actions gouvernementales.

Votre citation préférée ?

« On ne peut pas plaire à tout le monde »

Votre livre préféré

La Bible

Votre héros préféré ?

Nelson Mandela

Votre dernier mot pour la jeunesse tchadienne, surtout la femme tchadienne

Pour la jeunesse, je dirai qu’il faut quelle vive ses rêves, quelque soit le domaine dans lequel elle excelle, il faut aller de l’avant. «  L’enfer c’est les autres », alors il faut se boucher les oreilles et ne pas se laisser décourager par les avis négatifs. Ca ne leur plaira pas votre réussite, mais puisqu’on ne peut pas plaire à tout le monde, alors tans pis pour car vous plairez à des millions de personnes comme vous. Alors foncez ! Au bout du tunnel la lumière jaillira…

A la femme tchadienne, je dirai qu’elle a encore beaucoup à prouver, elle doit arracher sa place au soleil ! Et pour se faire le Travail, encore le Travail et toujours le Travail ! C’est de cette seule et unique manière que nous obtiendrons notre reconnaissance et que nous forcerons le respect.