N’DJAMENA, 9 octobre (Xinhua) — Le gouvernement tchadien a adopté une série de mesures pour sortir de la crise financière dans laquelle est plongé le Tchad depuis près d’une année, par l’augmentation des recettes de l’Etat et la coupe dans les dépenses publiques, y compris celles de la présidence et de la primature.

Un séminaire gouvernemental, tenu en milieu de semaine courante, a adopté une feuille de route pour tenter de sortir le pays de la crise financière. Le séminaire gouvernemental est également ouvert aux partis politiques, au patronat, aux syndicats et à la société civile.

Pour renflouer les caisses de l’Etat, il est préconisé, à court terme, la suspension ou la réduction des exonérations douanières et fiscales exceptionnelles (le gain attendu est d’environ 6 milliards F CFA, selon Ngarlenan Docdjengar), le traitement des dossiers en contentieux avec les pétroliers (150 milliards F CFA attendus des discussions en cours), le redéploiement des agents au niveau des régies pour augmenter les recettes administratives (les 15 milliards prévus dans le cadre du budget 2015 “sont en deçà de la réalité”), le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) par des contrôles ciblés (22 milliards de TVA à percevoir sur les restes à payer au Trésor public), etc.

A moyen terme, le gouvernement entend, entre autres mesures, mettre en place un guichet unique sécurisé à la Douane pour limiter la fraude et accroître les recettes, réformer l’impôt sur les revenus des personnes physiques pour plus d’équité dans le prélèvement fiscal, réviser la Charte d’investissements qui accorde beaucoup d’exonérations aux entreprises qui viennent investir, étendre l’assiette de la TVA à la quasi-totalité des consommations et à la totalité des dépenses non salariales de l’Etat, renégocier des conventions à incidence négative sur les finances publiques (pour contraindre les filiales d’entreprises étrangères à payer l’impôt sur le bénéfice mondial ou le bénéfice consolidé au Tchad), vérifier tous les contrats de gestion qui lient l’Etat aux opérateurs économiques, appliquer la réciprocité dans les droits de chancellerie, et réviser les permis d’exploitation des ressources minières.

Au titre des dépenses de fonctionnement et d’investissement, il est recommandé le contrôle de la prise en charge financière des actes relatifs aux mouvements du personnel (une réduction des charges de l’ordre de 500 millions F CFA est attendue), la restriction au maximum des frais de mission et de transport (11 milliards F CFA ont été dépensés en 2014 à ce titre), la suspension des prises en charge des services de base du personnel (électricité, eau et téléphone). “Pour les prochaines années, il faudrait examiner, au cas par cas, la situation d’un agent pouvant bénéficier de cette prise en charge. La réduction attendue de ces dépenses est de l’ordre de 2 milliards F CFA”, a précisé Ngarlenan Docdjengar, ministre tchadien des Finances et du Budget.

Outre la réduction des fonds spéciaux accordés au président de la République, au premier ministre et à l’Assemblée nationale, la mesure phare reste la réduction de 50%, pour les trois derniers mois de l’année, des indemnités de tous les membres des grandes institutions de l’Etat: présidence de la République, primature, gouvernement, Haut conseil de la communication, Cour suprême, Cour des comptes, Conseil constitutionnel, Conseil économique, social et culturel. Si la réduction est obligatoire pour les institutions précitées, il est “sollicité” à l’Assemblée nationale de voir comment contribuer à l’effort national d’austérité.

Pour le Premier ministre tchadien Kalzeubé Payimi Deubet, la réduction des indemnités qui permet d’économiser 3,2 milliards F CFA, est un “signal fort qu’on doit donner pour que l’ensemble des mesures prises puissent porter leurs fruits”. “Une commission de suivi de la mise en oeuvre de la feuille de route, sera mise en place avec une composition diversifiée”, a-t-il promis.

“Notre pays fait face à une crise conjoncturelle et cette crise affecte l’équilibre de nos finances publiques et a également un effet dévastateur sur notre économie”, a déclaré Ngarlenan Docdjengar.

Parmi les principales causes de cette crise, il cite la dépendance des rentes tirées des ressources naturelles dont les cours sont volatiles, la faible mobilisation des ressources liée au poids du secteur informel (un taux de pression fiscale de 10%, très en deçà de la moyenne dans la sous-région qui tourne autour de 16%) ou le financement des projets sur fonds propres. Il y a surtout une augmentation expotentielle des salaires durant ces dix dernières années. Les engagements militaires du Tchad dans la région ont également contribué à plomber ses finances: l’intervention militaire au Mali, la lutte contre la secte Boko Haram au Nigeria et au Cameroun voisins.

“Tous ces facteurs non exhaustifs ont un impact négatif sur nos finances publiques”, explique Ngarlenan Docdjengar. Au titre du premier semestre 2015, on observe ainsi un très faible de réalisation des recettes par rapport aux prévisions annuelles. Sur les prévisions révisées de 877 milliards, seuls 242 milliards ont été réalisés à fin juin, 352 milliards à fin août, soit un peu plus de 40%. On note également un niveau élevé de dépenses, surtout les dépenses incompressibles (notamment les salaires et les dettes, non couvertes par les ressources hors pétrole).

“Des efforts ont été faits pour essayer de mobiliser davantage de ressources”, affirme le ministre des Finances. Parmi ces actions, il cite l’intensification des contrôles fiscaux surtout pour les dossiers à fort enjeu, l’émission des bons et obligations du Trésor, les discussions en cours avec les banques pour le rachat des créances (les propositions des banques qui se sont positionnées se chiffrent à environ 200 milliards F CFA), etc.

“Au niveau des dépenses, il y a un travail quotidien qui se fait: c’est le suivi régulier des dépenses”. Des ajustements ont été faits pour ne pas aggraver le niveau d’endettement de l’Etat, notamment la réduction des consommations d’environ 88 milliards de crédits budgétaires non utilisés. Nonobstant toutes ces actions, il n’y a guère d’amélioration dans les finances publiques tchadiennes.