Le Tchad vient de célébrer son 25ème anniversaire de la journée de la liberté et de la démocratie. Notre rédaction s’est approchée de certains leaders politiques et de la société civile pour faire le bilan de la situation démocratique après un quart de siècle avec le Mouvement Patriotique du Salut.

Tchadinfos : M Mahamat Nour IBEDOU, vous êtes militant des droits de l’Homme et Secrétaire Général de la Convention Tchadienne pour la Défense des Droits de l’Homme. Quel bilan faites-vous de la situation démocratique au Tchad après 25 ans ?

Mahamat Nour IBEDOU : Il est vrai que nous avons connu 25 ans de régime MPS. Quand le MPS était arrivé aux affaires en décembre 1990, les gens pensaient qu’au sortir d’une dictature assez féroce, c’était la démocratie qui arrivait et qu’il y aura un changement notable. Mais on avait commencé avec cette formule que nous avait servi Idriss Deby à l’époque, « je ne vous apporte ni or, ni argent mais la démocratie». Il est vrai que la démocratie seule suffisait à tout régler. Parce que, en soi, elle est porteuse d’espoir. Mais ce que nous avons constaté depuis l’avènement du MPS jusqu’aujourd’hui, le fondement même de la démocratie avait été tellement charcuté, affaibli qu’on en est arrivé en 2015 avec absence même de paiement de salaire. Alors que depuis 2003, nous avons engrangé de ressources pétrolières énormes. En principe, on ne doit même pas avoir ce genre de problème.

Tchadinfos : Et que dire des fondements démocratiques ?

Mahamat Nour IBEDOU : En matière de fondements démocratiques, c’est la catastrophe. Il y a eu la constitution qui a été travestie, et maintenant, il n’y a plus de limitation de mandat. C’est-à-dire, le président peut se représenter autant qu’il veut. Depuis lors, nous avons compris que le chef de l’Etat voulait un mandat à vie. Il y a eu limitation des libertés publiques. En ce moment, vous ne pouvez pas aller demander à marcher, on va l’interdire systématiquement. Il y a l’injustice qui est devenue criarde. C’est une seule ethnie qui règne sur le reste. Il y a l’accaparement total des ressources nationales. Il y a des inégalités sociales criardes. C’est une petite minorité qui s’est accaparée de toutes les richesses du pays et la grande majorité est tellement affaiblie au point où dans les provinces vous avez des personnes qui partent creuser des fourmilières pour nourrir leurs enfants.

Tchadinfos : Selon vous, après un quart de siècle du régime MPS, le Tchad n’est-il toujours pas un pays démocratique mais plutôt en voie de démocratisation ?

Mahamat Nour IBEDOU : Le Tchad n’est pas un pays démocratique. Il n’est pas un pays démocratique et aussi pas un pays de droit. Parce qu’il y règne l’impunité. Quelqu’un peut vous tuer ici simplement parce qu’il appartient au sérail du pouvoir, on l’arrête deux jours et le lendemain vous le voyez libre. Regardez le folklore qu’on nous a servi avec Salay Deby. Ça veut dire qu’il y a des Tchadiens au-dessus des lois donc le Tchad n’est pas un pays de droit.

Tchadinfos : Pensez-vous que l’alternance politique est une solution à la démocratisation du Tchad ?

Mahamat Nour IBEDOU : Absolument ! Dans notre coalition Trop c’est trop, nous nous opposons à un 5ème mandat d’Idriss Deby. Simplement parce que, en ce moment, on parle d’un recensement biométrique, ce recensement tel qu’il est mené maintenant nous parait être un des dispositifs de fraude qui s’annoncent pendant les élections.