Un des aliments les plus consommés au Cameroun, le poulet, disparaîtra pendant une certaine période dans les marchés de Yaoundé, les autorités du pays d’Afrique centrale ayant décidé d’interdire la commercialisation de la volaille dans la capitale et ses environs en réponse à une épidémie de grippe aviaire déclarée dans un complexe avicole de cette ville.

Depuis dimanche, le Complexe avicole de Mvog-Betsi à Yaoundé, établissement à capitaux publics de production de poulet et d’autres espèces de volaille, est déclaré “zone infectée à l’influenza aviaire”, suite à une épidémie de grippe aviaire ayant causé la mort de près de 15.000 volailles sur un effectif de 33.000, information révélée par le gouvernement mercredi à Yaoundé.

Pour pouvoir circonscrire la maladie, une série de mesures a été prise, dont la principale se résume par l’institution d'”un vide sanitaire et la fermeture [à titre temporaire] de la vente de volaille dans les marchés sur l’ensemble du département du Mfoundi”, dont Yaoundé est le chef-lieu, annonce un arrêté ministériel publié jeudi soir.

Ce département est déclaré dans son ensemble “zone infectée à l’influenza aviaire hautement pathogène” par la décision prise par le ministre de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales, Dr Taïga, laquelle met en garde “toute personne qui mettrait en vente de la volaille et des produits de ferme susceptibles de favoriser la diffusion de l’épidémie”.

Au Complexe avicole de Mvog-Betsi même, les mesures prises concernent l’interdiction d’accès au site de foyer à toutes les personnes étrangères, l’interdiction d’entrée et de sortie du foyer des produits d’élevage et d’autres intrants, l’abattage du reste du cheptel suspect, l’incinération ainsi que l’enfouissement de toutes les carcasses conformément à la règlementation en vigueur.

Il a aussi été imposé l’observation obligatoire de la restriction des mouvements des animaux domestiques sensibles et des hommes dans la zone circonscrite, la soumission du site d’élevage aux visites quotidiennes des services vétérinaires et des personnels de santé, la désinfection des locaux, des parcours des véhicules et de tout objet susceptible d’assurer une contamination indirecte des espèces animales sensibles.

“Les opérations de police sanitaire vétérinaire sont instituées dans le cadre de la prophylaxie de cette maladie”, affirme le ministre Taïga.

Le Cameroun avait déjà été déclaré en 2006 sous la menace d’une épidémie de grippe aviaire, après l’annonce du constat d’infection au H5N1, nom scientifique de cette maladie, de deux canards découverts morts dans le Nord du pays.

En application d’une décision gouvernementale d’interdiction de vente, le marché national de consommation de la volaille était entré en crise, avec un manque-à-gagner estimé à 3 milliards de francs CFA (environ 6 millions de dollars), nombre d’éleveurs ayant été amenés à détruire leurs exploitations.

Le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, a lui aussi averti “tout éleveur qui serait tenté de brader les poulets malades. Ce dernier serait exposé à des poursuites judiciaires”.

Il n’empêche, contrairement à l’épisode de 2006, l’actuelle épidémie provoque plus la panique mais soulève un sentiment de scepticisme au sein de la filière avicole camerounaise.

Conséquence : le respect de cette mesure nouvellement énoncée par le ministre de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales n’était pas effectif par exemple au marché de Mvog-Ada, l’un des principaux de la capitale, vendredi matin.

Pour certains, il s’agit d’une farce contraire à la réalité. “Avant que le gouvernement annonce cette nouvelle, on était déjà informé. Il n’y a pas de problème, le marché fonctionne normalement. Ces gens racontent des histoires. Ce sont des manipulations qu’ils font pour se faire de l’argenté”, a déclaré un vendeur de poulets de ce marché.

Il y a aussi des consommateurs qui disent douter de l’existence de l’épidémie, estimant que le gouvernement aurait gagné, pour convaincre, à faire filmer par les caméras de télévision les opérations d’abattage et d’incinération de la volaille incriminée du Complexe avicole de Mvog-Betsi.

Dans les habitudes alimentaires des Camerounais, le poulet occupe une place centrale. En dehors des ménages, il est proposé sous différentes formes (grillé, rôti, sauce tomate) au menu des restaurants classiques ou en plein air dans divers coins de rue de Yaoundé, Douala (la métropole économique) et d’autres villes.

L’Interprofession avicole du Cameroun (IPAVIC) estime à 50 millions la production annuelle nationale de poulets de chair et à plus de 1,5 million celle des œufs de consommation.

Parallèlement à cette production, des quantités importantes de poulets dits “congelés” sont régulièrement importées des pays étrangers.

Raphaël MVOGO