YAOUNDE, 6 mai (Xinhua) — Deux mois avant l’entrée en service du port en eau profonde de Kribi, ville balnéaire du sud du Cameroun, les travailleurs chinois et camerounais de l’entreprise China Harbour Engineering Company (CHEC) ne cachent pas leur fierté d’avoir contribué à la concrétisation de cette infrastructure de rêve en gestation depuis les années 1970 pour la région de l’Afrique centrale.

“Le port est techniquement opérationnel, nous faisons actuellement les dernières finitions”, a annoncé à Xinhua Qi Minhao, directeur général adjoint de CHEC-Cameroun, ajoutant que “le maître d’oeuvre est satisfait du déroulement et du respect des délais des travaux achevés par notre équipe. Nous en sommes fiers”.

Moins de trois ans après le lancement officiel des travaux par le président Paul Biya en octobre 2011, la digue de protection de 1,2 km, le chenal d’accès des navires, des quais d’accostage et deux terminaux de plus de 680 mètres de quai sont aujourd’hui prêts à accueillir des navires de 40.000 t (70.000 t à terme) pour le terminal polyvalent et 50.000 t (également 70.000 t à terme) pour le terminal conteneur.

Le chantier a mobilisé dans un premier temps une main d’oeuvre d’environ 400 Camerounais et 200 Chinois, un chiffre doublé par la suite pour chacun des groupes de travailleurs pour accélérer les travaux, selon la direction de CHEC-Cameroun.

Pour Jacques Rodrigue Bong, assistant du directeur des ressources humaines de la filiale camerounaise de la multinationale chinoise du même nom, c’est une expérience sans équivalent d’être témoin et participant de la construction d’un port gigantesque issu de la brousse et de la plage en une trentaine de mois.

“Il reste aujourd’hui 500 Camerounais sur le chantier, parmi lesquels une dizaine qui sont promus à la hiérarchie de manager, comme moi. En matière de loi camerounaise et de taxe fiscale, j’ai apporté mes connaissances à la société chinoise, et donc au bon déroulement du projet”, se réjouit ce jeune homme de 32 ans, titulaire d’une licence en finance, comptabilité et gestion de l’Université de Douala.

L’on se rappelle que six mois après le démarrage des travaux, une mission du Fonds monétaire international (FMI) s’était dite “très impressionnée par les travaux herculéens” et “réjouie par l’évolution notable du chantier” suite à une visite du chantier du port.

“Tous les regards sont tournés vers ce projet destiné à doter le Cameroun de l’un des plus grands ports industriels de la côte ouest-africaine. En tant qu’entrepreneur ayant la charge de cette mission glorieuse, on ne blague pas avec les normes, la qualité ou le délai”, assure M. Qi.

D’un financement de 240 milliards de francs CFA (480 millions USD) dont 207,7 milliards (415,4 millions USD) de prêt à taux préférentiel d’Exim-Bank de Chine, ce port se positionne en effet comme une infrastructure d’envergure pour les échanges commerciaux en Afrique centrale et de l’Ouest.

C’est le cinquième port construit par le Cameroun depuis son accession à l’indépendance en 1960. A caractère commercial, celui de Douala sur le fleuve Wouri qui s’ouvre sur l’océan Atlantique a été jusqu’ici le plus important.

Par ailleurs porte d’entrée et de sortie du Tchad et de la RCA, deux pays voisins du Cameroun sans accès à la mer, ce port fluvial de la métropole économique camerounaise concentre 95% du trafic national et 98% du chiffre d’affaires, à en croire le ministre des Transports Robert Nkili dans un rapport présenté lors d’une réunion du gouvernement début mars à Yaoundé.

“Ce port d’intérêt sous-régional a atteint en 2013 le volume record de trafic de 10 millions de tonnes”, a révélé le ministre. Mais, de l’avis du représentant-résident de la Banque mondiale Gregor Binkert “le port de Douala, il y aura des limites, on ne peut pas aller au-delà de huit millions de tonnes (l’an). Avec une bonne croissance dans la sous-région, on avait besoin d’un deuxième port”.

Directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale et la République centrafricaine (RCA), Gregor Binkert salue un ouvrage important pour le développement économique du Cameroun, “mais aussi une fois que ça sera realisé, il y a beaucoup de potentialités aussi pour la sous-région” Afrique centrale, en matière d’échanges avec l’extérieur.

“Le port de Kribi, c’est aussi un port minéralier, pour le fer de Mbalam et d’autres mines. Et le fer de Mbalam, c’est sur deux pays. C’est le Cameroun et le Congo-Brazzaville. C’est à partir du port de Kribi aussi qu’on va exporter le fer du Congo-Brazzaville. C’est déjà une dimension régionale”, a-t-il précisé dans un entretien à Xinhua.

D’après les prévisions officielles, ce port devra enregistrer à moyen terme un trafic de 250.000 à 400.000 conteneurs équivalent 20 pieds, pour un volume de plus de 50 millions de tonnes par an, réparti entre 30 millions de tonnes de minerai de fer, 3,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié produit également dans la ville de Kribi, plus de 6 millions de tonnes d’hydrocarbures, 1,6 million de tonnes d’aluminium, 2 millions de tonnes d’alumine et enfin 1,2 million de tonnes de cargo.

Une deuxième phase prévoit la réalisation de terminaux industriels (alumine, aluminium, hydrocarbures) et d’appontements spécialisés (gaz liquéfié et minerai de fer).

“Les négotiations commerciales sont en cours. Si CHEC est désignée pour ces travaux (de deuxième phase), nous apporterons le même respect rigoureux des normes et du délai, tout en assumant notre responsabilité sociale”, promet M. Qi.