L’élection de Donald Trump au terme d’une campagne électorale en faveur d’une Amérique isolationniste suscite interrogations et inquiétudes en Afrique, notamment sur le sort qui sera réservé au fonds d’aide des Etats-Unis à l’Afrique (MCC), au programme de libre-échange AGOA ou encore à la coopération militaire.

Autant d’acquis dont jouissent depuis de longues années les pays du continent dans le cadre du partenariat avec Washington. Les relations diplomatiques des Etats-Unis avec l’Afrique s’inscrivent dans la constance depuis plusieurs années, notamment sur le plan économique.

C’est par exemple le cas du programme de libre-échange issu de la loi African Growth and Opportunity Act (AGOA), adoptée en 2000 par le Congrès américain et qui facilite un accès au marché américain sans droits de douane pour certains produits africains.

D’après les statistiques du gouvernement américain, les pays africains ont exporté en 2012 pour près de 35 milliards de dollars de produits vers les Etats-Unis dans le cadre de l’AGOA et des dispositions afférentes du Système généralisé de préférences (SGP).

Le continent compte aussi sur le Millennium Challenge Corporation (MCC), un fonds de développement bilatéral créé en 2004 sous l’administration Bush pour accélérer la croissance en vue de réduire la pauvreté. Plusieurs pays africains, salués pour leurs performances en matière de bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques, bénéficient ainsi de son appui.

Qu’en sera-t-il de ces programmes si Donald Trump venait à appliquer la politique de désengagement qu’il a promise pendant la campagne électorale? Pour le ministre burkinabé des Affaires étrangères, Alpha Barry, la remise en cause de ces acquis créera davantage de problèmes.

“Couper l’aide publique au développement, qui passe notamment par le MCC, c’est poser des risques majeurs”, a-t-il prévenu au micro de la Radio France Internationale (RFI).

L’absence d’aide est synonyme de chômage, “donc plus de jeunes qui vont être la proie facile de ceux qui recrutent pour le djihad ou (qui) seront des candidats de plus pour l’immigration”, a-t-il indiqué, alors que la priorité du prochain président américain est pourtant de s’attaquer à l’Etat islamique (EI) pour mettre fin au terrorisme et de lutter contre l’immigration clandestine.

Sur les chances de l’AGOA face à la volonté de M. Trump de protéger le marché américain, le ministre burkinabé écarte là aussi toute idée de concurrence avec les produits américains.

“Je ne pense pas que les produits africains concurrencent ceux des Etats-Unis, car les produits qui ont accès au marché américain grâce à l’AGOA sont des produits spécifiquement africains, notamment les produits de l’artisanat ou des produits agricoles, donc il n’y a pas de concurrence possible”, analyse M. Barry.

Mais malgré ces déclarations de campagne du président-élu Trump, les spécialistes estiment qu’il n’y aura pas de changement majeur dans la politique étrangère américaine vis-à-vis de l’Afrique.

Le MCC et l’AGOA sont “déjà acquis” et “Donald Trump ne va jamais revenir là-dessus”, a assuré à la presse sénégalaise Ousmane Sène, universitaire sénégalais et professeur de littérature et de civilisation américaines. M. Sène a rappelé “qu’il y a une constance inscrite dans les relations diplomatiques des Etats-Unis avec l’Afrique et cette constance ne va pas changer”.

La relation diplomatique entre l’Afrique et les Etats-Unis, c’est aussi la coopération militaire qui s’est renforcée sous l’administration Obama dans la lutte antiterroriste, en particulier contre Boko Haram au Sahel. Une politique sécuritaire qui va également se poursuivre, selon l’historien sénégalais Mamadou Diouf, enseignant à l’université new-yorkaise de Columbia.

“En matière de ressources pétrolières, l’Amérique se tourne de plus en plus vers l’Afrique de l’Ouest. Le souci américain en termes de sécurité pour l’Afrique de l’Ouest va aussi continuer dans la mesure où cette région fait face aux Etats-Unis”, indique M. Diouf dans une interview au “Monde”.

Pour Alpha Barry, la présence militaire américaine en Afrique va se poursuivre en raison de la menace que constitue l’Etat islamique pour le monde.

“La sécurité de cette région, c’est aussi celle des Etats-Unis et du monde étant donné que le phénomène du terrorisme est un phénomène planétaire”, dit-il.